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Interview de Paul Vacca

18 Avr 2015

CB-0wRmW8AAYWYX.jpg largeQuel est le premier livre que vous vous souvenez avoir lu ?

Le premier que j’ai décidé de lire de mon propre fait – sans qu’il soit imposé par un programme particulier – est Cyrano de Bergerac d’Edmond Rostand. Je devais avoir 11 ou 12 ans. Un enchantement même si la signification de la moitié des mots m’échappait. Aucune importance. J’ai toujours eu le sentiment que l’on ne lisait pas pour comprendre mais pour ressentir et communier au-delà des mots… C’est cette intuition qui m’a servi de moteur pour écrire plus tard La Petite Cloche au son grêle où un adolescent de 13 ans découvre l’univers de Proust sans vraiment le comprendre.

Puis le nez de Cyrano m’a guidé vers d’autres lectures…

Dans quelles circonstances avez-vous écrit votre premier roman ?

Dans une situation d’inconscience. C’était un roman noir. Longtemps j’ai lu beaucoup de romans noirs. D’ailleurs, celui-ci il a failli voir le jour à la Série Noire… J’avais rencontré le boss d’alors dans les sous-sols de Gallimard, les jambes flageolantes en descendant à la cave comme si cela allait bouleverser mon destin… Et puis… plus rien. Pas de nouvelles. Mais c’est grâce à ce manuscrit non-publié que j’ai décroché mon premier contrat de scénariste. Lavoisier avait raison : rien ne se perd tout se transforme.

Pourquoi écrivez-vous ?

Difficile de dire ce qui motive précisément l’écriture d’un roman. Certains évoquent une impérieuse transcendance, presque un appel de l’au-delà, plus fort qu’eux… Pour ma part, ce serait plutôt un cocktail de sentiments aux proportions indéterminées et qui varient au gré des moments : une dose de besoin d’écrire, une dose de plaisir aussi, une dose de souffrance également, une dose de désir de partager avec les lecteurs… sans oublier la « deadline » – la date de remise – de l’éditeur qui est peut-être ce qui pousse de la façon la plus radicale à écrire. Sinon je peux me complaire à imaginer le livre que je vais écrire. Et une fois écrit, je sais de toute façon qu’il ne sera au mieux – comme dans le mythe platonicien de la Caverne – que l’ombre du roman idéal que je projetais en moi…

Envoyer mes questions à l’auteur de La petite cloche au son grêle le jour de Pâques, est-ce un signe du destin ?

Pourquoi pas ? Tout est signe pour qui veut y croire. Le nombre de signes de cette interview recèle aussi certainement une signification. Laquelle ? Je n’en sais fichtrement rien. Comme le fait d’avoir reçu ces questions le jour de Pâques… Mais je me promets d’être attentif à tous les signes à venir qui pourraient corroborer un potentiel destin…

La vie d’auteur est une drôle de vie. Avez-vous une anecdote amusante à nous raconter ?

La vie d’auteur, une drôle de vie ? Qui vous a raconté cela ? Un auteur très doué pour la fiction certainement (rires). La vie d’auteur, par le décalage sur la vie qu’elle suppose, ouvre c’est vrai la porte à pas mal de fantasmes. Jusqu’aux poncifs parfois comme dans les représentations au cinéma où il est soit atrabilaire, reclus, égoïste totalement obsédé par son œuvre (quand il ne rencontre pas le succès), soit superficiel, chassant les honneurs et manipulateur (quand il a du succès)… Pour ma part : joker. Je n’ai pas d’anecdote amusante – et véridique – à raconter… Mais si la vie d’auteur était si drôle que cela peut-être ne se donnerait-on pas la peine d’écrire ?

Vous êtes écrivain et scénariste. Quels sont les plaisirs de chacune de ces activités ?

Ce sont deux activités très différentes en réalité qui ne sollicitent pas les mêmes « muscles ». Scénariste est une activité focalisée sur le récit – sa progression, son aspect organique, l’emboitement de ses séquences – tel qu’il se déploie dans un film ou une série où la technique narrative a une grande part avec une gestion particulièrement drastique des contraintes (ne serait-ce que celles financières) et par essence collective et collaborative (dans le rapport avec le metteur en scène et le producteur)… Pour le roman, c’est une activité où l’écriture ne se réduit pas au récit proprement dit comme pour un scénario. Tout est plus libre, le cadre, les décors, le style évidemment, le rythme, la taille et jusqu’au point de vue… C’est aussi une activité a priori plus solitaire (je dis a priori car en réalité l’on est jamais seul même lorsque l’on écrit : on dialogue toujours avec un lecteur idéal…) Passer de l’un à l’autre est intéressant et enrichissant. Mais cela nécessite de changer de lunettes, de costume et même de cerveau pour adopter un autre regard sur le monde et envisager les choses autrement…

Quelle est, pour vous, l’importance du titre ?

C’est le premier rapport du lecteur avec l’œuvre. La partie qui doit dire le tout, donner une perspective sur l’ensemble… En ce sens c’est capital… Alors on peut le rechercher à l’infini… Mais c’est surtout une envie, une invitation faite au lecteur… Dans mon dernier roman, par sa longueur nous avions l’envie de nous inscrire dans la tradition des romans d’apprentissage du XVIIIème siècle (Bildungsroman) avec le « Comment… » puis suggérer à la fois l’obsession de la précision du héros et le réalisme avec « 10 ans 3 mois et 4 jours » et enfin l’ouvrir au spectaculaire des superhéros dans lesquels le personnage principal se projette…

Justement ce denier roman, sorti début avril, a pour héros un enfant autiste. Est-ce une cause qui vous touche ?

Oui. Mais ce n’est pas un livre sur l’autisme. Il n’a pas la prétention de rivaliser avec les témoignages vécus ou les documents scientifiques qui existent. Mais il me semble que la fiction peut en traiter sous l’angle de la différence. Cette différence qui sépare des autres. Pourtant, elle est en chacun de nous. Si l’on écoute la différence intime qu’on a en nous nous serons plus à même d’entendre et de comprendre celle des autres.

L’autisme n’est pas enfermement, c’est un cheminement différent – et riche – vers le monde… C’est ce que j’ai voulu traduire avec les moyens de la fiction. Le petit Thomas se sent en affinité avec les super-héros – des êtres différents comme lui – et lui aussi va faire de sa différence une force.

Avez-vous déjà en tête le thème du prochain ?

Oui, j’en termine même la rédaction ces jours-ci. Un thème et un contexte très différents… On en parlera le moment venu…

Quel est le dernier livre que vous ayez lu ?

J’en citerais trois : Orage sur le Tanganika de Wilfried N’Sondé (Didier) – et je vais attaquer bientôt Berlinoise (Actes Sud) son dernier – La Chance que tu as de Denis Michelis (Stock) et Après l’équateur de Baptiste Fillon (Gallimard). Trois bijoux dans des genres très différents. À lire absolument.

La question surprise de Caroline Vié

Caroline ViéCher Paul à quel super héros vous identifiez-vous le plus et pourquoi ?

Si enfant comme des millions je me suis identifié tour à tour à Superman, sa supervitesse et sa superpuissance (matrices de tous les superpouvoirs), à Batman et ses supergadgets (lui n’a pas de superpouvoirs en réalité bien que cela soit difficile à concevoir), à Spiderman avec ses doutes adolescents, à Hulk aussi parfois si l’envie de tout casser autour de moi me prenait, aujourd’hui celui duquel je me sentirais le plus proche serait le Surfer d’Argent. Avec ses errances intergalactiques, ses doutes cosmologiques et métaphysiques il a quelque chose de kierkegaardien, hagard et égaré non seulement dans l’espace mais aussi au cœur même des comic books… J’ai aussi un faible – sans aller jusqu’à l’identification ! – pour Rorschach, un des super-héros déchus créés par Alan Moore et Dave Gibbons dans la série Watchmen (Les Gardiens)… Avec son masque changeant aux allures de taches des tests de Rorschach, son passé hanté d’enfant torturé et qui se conduit en héros malgré tout…

Paul Vacca

Paul Vacca

Paul Vacca est né à Silver Spring, dans le Maryland.

Romancier, scénariste et essayiste, il a déjà publié deux romans : La Petite Cloche au son grêle (Philippe Rey 2008 – Le Livre de Poche, 2013) sélectionné dans de nombreux prix et festivals, et Nueva Königsberg (Philippe Rey, 2009) en cours d’adaptation pour le cinéma.

Après un essai, La Société du hold-up (Fayard 2012), il retrouve avec Comment Thomas Leclerc 10 ans 3 mois et 4 jours est devenu Tom l’Éclair et a sauvé le monde les superpouvoirs de la fiction.

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