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Arthur Zingaro - Paroles d'auteurs

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Arthur Zingaro

19 Juil 2020

Au lieu de commencer chaque chapitre par son début, comme dans tout roman traditionnel, contentez-vous d’en tourner les pages jusqu’à ce qu’un paragraphe retienne votre attention. Si quelque idée ou quelque image vous y semble intéressante, balayez alors du regard les paragraphes voisins jusqu’à ce que vous y trouviez quelque chose qui résonne en vous de façon à piquer votre curiosité.

J.G. Ballard

Quel est le premier livre que vous vous souvenez avoir lu ?

Houlà !… Une pièce de théâtre, probablement… « L’avare » de Molière ou « Ubu Roi » de Jarry… Je me souviens aussi d’avoir lu « Vipère au poing » de Bazin très jeune, puis « Chiens perdus sans collier » de Cesbron et « L’Histoire sans fin » de Michael Ende… Mais j’étais surtout mordu de BD… Mon grand-père allait faire son tiercé le week-end. Et comme un marchand de journaux jouxtait le PMU, il me lâchait une pièce pour que j’aille m’acheter un « Strange », un « Titans », un « Nova » ou encore un « Pif gadget » constellé de fautes d’orthographe. Mes parents me larguaient aussi dans le rayon BD d’Auchan ou de Mammouth pour faire leurs courses hebdos sans m’avoir dans les pattes. J’y ai dévoré gratis des palettes de « Rahan », de « Tounga », de « Storm ». J’étais fana du « Storm » de Don Lawrence et de son coup de crayon hyperréaliste. Ce qui nous amène aux caricatures de Katia L.B. qui jalonnent « Même les extincteurs rêvent de gloire ».

Au début, vous étiez deux, écriture à quatre mains. La peur de se lancer seul pour un premier roman ?

Il y a de ça, oui. Je n’avais publié que des nouvelles avant que mon acolyte me propose de coécrire « Moi et ce diable de Blues ». Et ensuite, c’est l’inverse qui s’est produit. J’ai ressenti le besoin d’écrire un livre en solo, de me prouver que j’en étais capable.

Et aujourd’hui, vous sortez votre premier roman seul à la plume. C’était comment ?

C’était long… Initialement, « Même les extincteurs rêvent de gloire » devait être publié aux éditions du Riez en 2017, peu avant leur fermeture définitive. Aujourd’hui, il sort enfin de sa coquille, enrichi de magnifiques illustrations. En 2017, déçu qu’il ne puisse paraître, j’ai décidé de le mettre de côté un temps. Puis, je l’ai tiré de la naphtaline pour le relire et le remodeler. Tout ce qu’on peut trouver dans cette mouture 2.0, achevée en 2019, était déjà dans le jet de 2017, mais j’ai beaucoup retravaillé la forme, beaucoup épuré l’ensemble… Et alors, dès que nous avons eu l’idée d’inclure les illustrations, je me suis interdit de l’envoyer aux grosses maisons. Il y avait peu de chances qu’un tel récit polymorphe et fragmentaire trouve grâce à leurs yeux et même si l’une d’elles avait voulu l’éditer, j’aurais probablement dû renoncer aux caricatures qui le ponctuent. Et ça, c’est vite devenu impensable. Je l’ai tout de même envoyé à deux, trois directeurs de collection, sur la suggestion d’amis, mais certains, que je ne citerai pas, vous font perdre énormément de temps. Et puis il y a eu le confinement qui a encore repoussé la sortie du livre de quelques mois….

Enfin, seul, pas tout à fait. Y a les superbes illustrations de Katia L.B. dont vous parliez précédemment.

Katia L.B. et moi-même voulions que des caricatures jalonnent l’ensemble. Notre modèle en la matière était « Le capitaine est parti déjeuner et les marins se sont emparés du bateau » de Charles Bukowski illustré par Crumb. C’est donc mon premier livre en solo, oui, mais il est tout de même encore le fruit d’une étroite collaboration. Sans parler de l’aide précieuse que Richard Tabbi (le coauteur de « Moi et ce diable de Blues » – note de PDA) m’a apportée tout au long du processus de création et au travers de multiples lectures.

Comment vient l’idée d’écrire une autofiction ?

En lisant Miller et Bukowski, entre autres… On commence par collecter les idées, par prendre des centaines de pages de notes, souvent des tranches de vie réelles qu’on va ensuite tenter de sublimer par l’écriture. Puis on assemble les pièces du puzzle inconscient, on articule un « squelette » et on fait des choix pour l’habiller : garder ou ne pas garder… Enfin, on instille la fiction et les tranches de réalité deviennent progressivement un récit surréel.

Un titre, c’est important pour un roman. Comment vous est venue l’idée de celui-ci ?

Pour le titre du livre comme pour les titres de chapitres, j’ai puisé dans le texte lui-même. « Même les extincteurs rêvent de gloire » est une phrase issue d’un chapitre. Une phrase qui résume assez bien l’esprit et la teneur du bouquin. Arthur, le protagoniste, est un obscur écrivain qui rêve de gloire, mais cette soif de reconnaissance cache peut-être autre chose. Nous devons tous nous colleter avec notre enfance. Nos rêves sont souvent des sortes de projections. Est-on satisfait lorsqu’on obtient ce qu’on désire ? Je reviendrai vers vous si ça m’arrive. Ce titre énigmatique est aussi une forme de clin d’œil à ceux de Richard Brautigan.

Quelles sont les lectures qui ont formées l’auteur que vous êtes devenu ?

Pour résumer, disons que Lautréamont m’a aidé à supporter mon adolescence. Ensuite, je me suis épris d’écrivains français parmi lesquels Boris Vian, Romain Gary, Blaise Cendrars et Louis-Ferdinand Céline. J’adore aussi les pièces et les romans de Beckett, les bouquins de la « Beat Generation », l’œuvre de Bukowski, celle d’Hunter S. Thompson ou encore celles de Norman Mailer et d’Henry Miller, etc., etc., comme dirait Yul Brynner. Mais s’il ne devait en rester que… trois… ma « Sainte Trinité », en quelque sorte… je citerais William Saroyan, John Fante et Richard Brautigan. Il est à noter que je les évoque quasiment tous dans mon livre.

La vie d’auteur est une drôle de vie. Avez-vous une anecdote amusante à nous raconter ?

Il y en a plusieurs dans « Même les extincteurs rêvent de gloire ». Notamment cette écrivaine bancable, rencontrée lors d’un festival du polar, à qui on m’a présenté et qui m’a snobé sur l’air de « Mais vous, vous n’en vivez certainement pas ». On peut écrire sans en vivre, être auteur sans être faiseur de best-sellers… Ce sont d’ailleurs parfois deux activités différentes… Tout est une question d’intention… Je ne me suis jamais dit : Je vais pondre un best-seller ! Certains doivent écrire dans cette optique, puisqu’on voit fleurir des guides prônant moult combines pour accoucher d’un best-seller. Êtes-vous en quête d’un filon ? D’un puits de pétrole ? Ou bien écrivez-vous pour l’amour de l’art ? Là est la question, non ? Ce n’est pas exactement la même démarche… Il peut arriver, c’est extrêmement rare, qu’un livre devienne un best-seller malgré lui. C’est ce qui s’est produit pour Brautigan qui est passé de 700 ventes à 2 millions en l’espace d’une publication : « La pêche à la truite en Amérique ». C’est devenu la bible d’une génération sur un malentendu… Mais jamais Brautigan n’a dû penser « Je vais écrire un best-seller » en le rédigeant.

Comment imaginez-vous vos lecteurs ?

On a toujours envie de toucher des gens qui nous ressemblent, qui perçoivent le monde à travers les mêmes lunettes. Des copains, des copines avec qui on pourrait refaire ce monde au cours d’une nuit d’ivresse. Un des chapitres du livre s’intitule « Mes potes à sens unique ». Il dit en substance que les œuvres dans lesquelles je me suis reconnu, celles qui m’ont marqué au fer rouge, ont été écrites par des auteurs que je considère comme des « amis pour la vie ». La plupart étant morts, cette relation amicale est forcément à sens unique, mais peu importe. Ils m’ont compris et soutenu sans le savoir. Dans l’absolu, je souhaiterais que mes lecteurs soient pareillement touchés par ce que j’écris, que ça résonne en eux. J’aimerais qu’ils m’adorent ou me détestent, voire les deux à la fois, pourvu que l’émotion naisse, pour le pire ou le meilleur, du mariage de l’encre et du papier.

Quel est le dernier livre que vous ayez lu ?

« La plage ultime », un recueil de J.G. Ballard, l’auteur de « Crash » et de « La foire aux atrocités ».

Arthur Zingaro

Arthur Zingaro

Arthur Zingaro a été dresseur d’autruches en Afrique de l’Ouest, travailleur social et chômeur asocial. Il réside au Havre, ville qu’il aime de plus en plus en dépit du portrait pas toujours flatteur qu’il en brosse. En 2012, il publie Moi Et Ce Diable De Blues ; thriller hallucinatoire coécrit avec Richard Tabbi et béni par Dionnet l’enfant du rock & du métal hurlant. Même Les Extincteurs Rêvent De Gloire est son premier livre en solo.

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