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Max Obione

24 Oct 2020

Moments si doux de la folâtre jeunesse, qu’il y a de temps que vous êtes partis !

Jean-Jacques Rousseau

Les confessions

Quel est le premier livre que vous vous souvenez avoir lu ?

L’amnésie de la petite enfance ne me permet pas d’évoquer un titre précis. Ce sont plutôt des impressions, des images qui émergent. En les mettant en relation, ce qui apparait en premier lieu, c’est un album du canard Gédéon dessinée par Benjamin Rabier. Puis ce qui remonte, c’est Bicot et le club des Rantanplan, Zozo, Bibi Fricotin, les Pieds Nickelés. Tous des personnages un brin anars ! Bref des images associées à des textes et réciproquement. Quand j’ai possédé la lecture, je me suis lancé dans la Bibliothèque verte, je me souviens d’un titre qui m’a marqué : Alerte aux cimes. J’ignore aujourd’hui le nom son auteur et de quoi il retournait… (NDI : l’auteur de ce roman se passant dans les Pyrénées répondait au doux nom de Marcelle vérité)

L’écriture du tout premier roman, ça se passe comment ?

Depuis mes 15 ans, j’ai toujours écrit, comme souvent l’on écrit à cet âge inspiré par l’enseignement littéraire, les spectacles et les lectures. Poésies, pièces, premiers chapitres de romans avec l’idée que peut-être… puis durant ma carrière professionnelle, comme on dit, j’ai tartiné des centaines pages de rapports, d’avis, de conclusions, de réquisitions, etc… Enfin, la soixantaine en vue, j’ai tenté l’aventure du Poulpe. L’écriture sous contrainte m’a aidé en imposant une typologie ainsi qu’une caractérologie de personnages. Malheureusement, l’octopode battait de la tentacule à cette époque, les éditions Baleine fermèrent et les repreneurs m’ignorèrent superbement. Mais le virus était inoculé, le fait déclencheur activé pour la suite. On peut lire ce Poulpe auquel j’ai ajouté deux tentacules pour en faire un décapode. C’est ainsi que le Calmar est né. On trouve Calmar au sang en édition papier toujours disponible, et en numérique chez SKA sous le titre Tentacule-moi. Jan Thirion et Gérard Streiff publièrent à la suite un Calmar. Dans la collection complète des Poulpe que Frédéric Prilleux a rassemblés à la Médiathèque de Pordic, nos Calmars y figurent au titre des avatars du Poulpe.

Pensez-vous qu’il faille être un grand lecteur pour être un bon auteur ?

Ça ne gâte rien évidemment, lire c’est quand même la meilleure école pour apprendre à écrire. Personnellement, j’ai beaucoup lu durant mon adolescence. J’ai moissonné la bibliothèque municipale de Caen, dans des domaines les plus éclectiques qui soient. Mais ce n’est pas une garantie pour être bon, l’écriture requiert d’autres qualités, toutes celles-ci ne sont pas acquises, je crois qu’il y a des dons et des dispositions mentales qui président au processus mystérieux de la création littéraire.

En plus de votre activité d’auteur, vous êtes également éditeur. Pouvez-vous nous en parler ?

À la fin des années 90, nous étions un certain nombre d’auteurs fréquentant le blog Pol’art noir de Patrick Galmel. Nous échangions nos productions. En même temps on faisait état de nos difficultés respectives pour accéder à l’édition. Alors pour y remédier, j’ai créé une maison d’édition associative Krakoen qui a compté près de 100 titres à son catalogue. Avec Jeanne Desaubry à la direction littéraire, on a eu la joie d’éditer des auteurs qui ont fait leur chemin depuis : Paul Colize, Elisa Vix, Marie Vindy, Claude Soloy, Hervé Sard, Franck Membribe, Françoise Laurent, Jan Thirion…Jeanne et moi-même évidemment. La petite fabrique de polars a fait son trou dans la sphère polardière, mais pour des raisons touchant à l’épuisement fonctionnel de sa structure autogérée, Krakoen a été cédé au bout de 10 ans, puis a malheureusement disparu.

Cependant, avec Jeanne, on est restés piqués d’édition, on a donc remonté une maison d’édition numérique tout en ligne SKA orientée petites formes littéraires, qui dispose déjà d’un catalogue de plus de 500 titres, et une petite boutique d’édition papier Horsain bénéficiant aux anciens de Krakoen et à quelques amis.

Votre dernier roman s’intitule Loulou. On y va pour un petit pitch ?

L’itinéraire rocambolesque et amoureux de Marie-Louise Berthet, dite Loulou ou Sœur Fouettard. Une fiction pure sur fond historique : pour échapper à la répression sanglante de la Commune de Paris (1871), Loulou, fille de joie, devient bonne sœur Visitandine sous le nom d’Angélique de la Miséricorde divine… Puis elle œuvre avec sœur Véronique au sein d’une maison de santé. Elle soigne les pauvres gens et elle fouette le derrière des puissants. Dans le Paris de la IIIe République naissante, on la surnomme Sœur Fouettard. Elle recherche toujours l’amour de sa vie : Luigi, le bel ouvrier maçon piémontais disparu dans les turbulences de la guerre franco-prussienne et de la Commune. Lors des funérailles de Victor Hugo, elle le reconnaît dans la Légion italienne qui défile. Elle défroque et suit son amant dans sa lutte anarchiste… Loulou rencontrera Gustave Courbet, Guy Maupassant, Tristan Corbière ainsi que Louise Michel, Jules Vallès, etc.  J’ai pris un peu d’avance sur la commémoration du 150e anniversaire de la Commune de Paris en 2021.

Vous êtes connu pour votre production polar. Comment passe-t-on du noir au rose ? Y a-t-il un plaisir différent à écrire des histoires érotiques ?

On passe du noir au rose naturellement, en ce qui me concerne. La littérature de genre répond à des codes, il suffit de s’approprier les codes du genre rose en l’espèce et d’essayer de raconter une bonne histoire licencieuse en faisant de la littérature, du moins j’essaie. À l’instar des romans libertins du 18e, avec sans doute un peu plus de piment… au demeurant. Ainsi, décrire une situation très « chaude » est d’un point de vue de l’écriture une expérience très excitante (sic) si l’on veut que ce soit autre chose qu’une description anatomique avec des mots grossiers. Ce que recherchent les lectrices et les lecteurs, c’est un combustible pour leurs fantasmes.

La vie d’auteur est une drôle de vie. Avez-vous une anecdote amusante à nous raconter ?

Le retour des lecteurs est toujours émouvant dès lors qu’il ne s’agit pas de critiques acerbes quelquefois ou de silences plus cruels encore. C’était au festival du polar de Villeneuve lez Avignon en 2013 ; le matin, je dédicaçais un petit recueil de nouvelles à une dame (Carlito), elle est revenue l’après-midi, les yeux mouillés avec un pot de confiture qu’elle déposa sur la table et me révéla qu’elle avait lu l’histoire de ce couple de vieux danseurs professionnels, que cette histoire c’était la sienne et qu’elle souhaitait me donner une douceur pour l’émotion et le plaisir que je lui avais procurés (j’ai des témoins !). Ça ne s’oublie pas…

Quelle sera votre prochaine aventure littéraire ?

J’ai principalement deux romans au feu, comme on dit des fers au feu. Une novella noire Schlass ! et un roman noir social Les petites sueurs. Mais le temps me manque car c’est une course de fond, pour ce genre d’immersion dans une histoire qui sort de mon imagination, il faut que je m’isole loin de mon bureau où le quotidien m’accapare. Sans compter l’édition et le cinéma qui m’occupent. J’arrive à rédiger néanmoins quelques nouvelles de commande qui sont moins gourmandes en énergie.

Quel est le dernier livre que vous ayez lu ?

Les confessions de Jean-Jacques Rousseau. Je m’immerge avec délices dans la prose du XVIIIe siècle. Et redécouvre Jean-Jacques, humain, forcément humain !

Max Obione

Max Obione

Max Obione s’est emparé du noir à l’issue d’une trajectoire partant d’une librairie caennaise à la magistrature rouennaise, en passant par le syndicalisme et les affaires culturelles. Ce jeune auteur tardif revisite les archétypes du genre dans ses romans et ses nouvelles (plus d’une centaine à son actif). Le Dictionnaire des littératures policières lui a consacré un article. Initiateur de feue la coopérative d’édition Krakoen, il a créé avec Jeanne Desaubry : SKA éditeur numérique dont la catalogue comprend plus de 500 titres. Il écrit des scénarios et réalise des films (5 courts-métrages). C’est un franc-tireur des lettres qui, se reposant du noir un temps, met du rose à sa palette. Sur le chemin de la littérature érotique, il commence à semer des cailloux libertins. Mais le noir demeure sa couleur de prédilection. Il vit au Havre.

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