Interview de Fabrice Liégeois
Quel est le premier livre que vous vous souvenez avoir lu ?
Le tout premier livre dont j’ai le souvenir, un vrai de vrai comme pour les grands disais-je à l’époque, il m’a été offert par ma grand-mère, femme cultivée qui pour m’endormir me lisait L’Odyssée d’Homère. Heureuse de découvrir mon intérêt pour la mythologie, elle m’a donné son exemplaire des Légendes du monde grec et barbare de Laura Orvieto. Je l’ai juste dévoré des dizaines de fois, si ce n’est des centaines, fier de montrer à mon aînée que je savais lire. C’est une relique que je possède toujours, transmise à mes fils et à qui j’ai lu forcément L’Odyssée, les soirs, pour les endormir.
Pourquoi écrivez-vous ?
Je m’écris à moi-même, en fait. Au moins, ça évite les frais de psychanalyse. Je plaisante… Écrire des histoires qui font peur dans le noir, qui font mal au-dedans, d’annoncer prendre le lecteur à l’intérieur et de le traumatiser, ce n’est pas anodin mais tout ça, il faut me lire pour le comprendre. Pour faire dans le consensuel, j’aime les souvenirs de mes premières lectures, de cette sensation qui me transportait à chaque page. D’être en mille lieux à la fois. De vivre des aventures tout en étant éveillé à un monde fantastique, celui des pages que l’on tourne. J’écris parce que j’aime l’Écriture tout simplement…
Pensez-vous qu’il faille être un grand lecteur pour être un bon auteur ?
Lire, c’est se nourrir et ça ne vient pas de moi. J’étais réfractaire à cette idée de lire d’autres auteurs tout en écrivant. Je pensais perdre la supposée identité de plume. Ma patte ne serait plus vierge. J’avais tort. Au fil de mes rencontres et de mes discussions, on m’a vivement conseillé de me remettre à lire, de plonger dans les têtes des auteurs de mon temps, ceux qui pourraient faire vibrer autrement mon intérieur. Au cours de ces lectures, j’ai ingéré des mots, ceux-là mêmes que je n’utilisais plus forcément dans mon quotidien. J’ai apprivoisé à nouveau des expressions. Je me les suis approprié à cette façon qui est la mienne et au fur et à mesure que les pages se sont enchaînées, la magie opérant dans l’ombre, mon style a mué. Alors, grand lecteur, je ne sais pas. Gros, c’est sûr si et seulement si, vous aspirez à devenir auteur. Savoir si vous êtes bon ou pas, seuls nos pairs et les lecteurs détiennent cette réponse qui ne me concerne pas.
Votre premier roman N’y descendez jamais vient de sortir en numérique. Est-ce un choix ?
C’est une étape dirons-nous. Chaque chose doit prendre du temps pour bien se mettre en place tout comme le fait d’embrasser une carrière. Après deux années où j’ai participé à plus d’une soixantaine d’appels à textes, j’ai rodé mon style. Je me suis testé avec pour seul objectif l’exercice demandé. Je n’attendais rien en retour, juste d’appréhender ou pas le ou les progrès de ma plume. Le choix de la publication numérique est donc la suite logique. Ai-je démarché des éditeurs ? Oui. M’ont-ils répondu ? Un seul pour l’instant m’a refusé poliment. Un jour, je l’espère, il y aura une version papier si je progresse encore et ça, c’est juste une histoire de temps…
Vous avez réalisé un court-métrage pour promouvoir votre roman. Comment vous est venue l’idée ?
Disons que je n’ai pas eu cette idée indépendamment du roman. J’ai pensé l’ensemble du projet bien avant de commencer à l’écrire. J’avais pas mal d’interrogations légitimes quant à la suite des événements si jamais je ne signais pas chez un éditeur. C’est là où l’idée a germé.
Lire autrement, lire au 21ème siècle, lire comment ?
Un truc jamais vu ailleurs, une expérience, cette première fois où l’on se dit merde, ce gars-là, il a lancé un pavé dans la mare. Je ne cherche pas la reconnaissance mais c’est ma façon d’écrire, de surprendre, de bouger les lignes rigides, de ne pas tenir compte des sempiternelles mises en garde, de quoi d’ailleurs ? Avoir peur, c’est inutile à la vie… Moi, je fais. Et si ça ne plaît pas, ce n’est pas grave… Le but était que je sois satisfait du résultat…
L’équipe qui m’a entouré durant des mois, elle avait les yeux qui brillaient, elle avait la banane jusqu’aux oreilles et bien tout ça, ça vaut tout l’or du monde. Tout ça, tous ces souvenirs que j’ai gravé dans leur mémoire, c’est ma plus belle récompense. Et vous savez quoi ? Il en sera de même avec les lecteurs. Et si je n’en dis pas plus, c’est que toute la magie de ce court-métrage est de vous placer à 4 minutes 15 de la première ligne du premier chapitre… Et ça, c’est mon kif d’imaginer le lecteur se dire, je lis un film… Le talent ? Le génie ? Voyons, restons les pieds sur terre… J’ai juste fait ce que personne n’avait jamais fait et donc ?
Que pensez-vous en général de la promotion de l’écrit par l’image ?
Le monde a changé en peu de temps surtout en matière d’informations instantanées qui sont distillées et relayées sur les réseaux sociaux. À mon sens, personne ne peut vraiment répondre à cette question et surtout pas moi. Je botte en touche vous allez me dire ? Je ne me mouille pas ? Toutefois et en faisant preuve d’honnêteté, ai-je assez de recul sur le truc que je viens de pondre pour me permette de juger les autres initiatives ? Suis-je à cette heure capable de vous dire les autres, en général, c’est du mou de gras et moi, j’ai fait ce qu’il fallait faire. Désolé, je ne suis pas ainsi. Je crois comme partout qu’il y a du bon, du très bon même et plus vous gravissez les marches de la gloire, de la renommée et de la reconnaissance, plus vous accédez à des outils qui sont là pour aider l’écrit. L’image en fait partie à l’instar des émissions spécialisées où des professionnels tels que Michel Field ou l’équipe de Laurent Ruquier sont là pour promouvoir avec brio votre œuvre. Suis-je à ce niveau ? Soyons sérieux, là où je suis placé comme tant d’autres, nous essayons de par toutes les initiatives que j’ai pu regarder d’attirer simplement l’œil du lecteur… Ensuite, on en revient aux jugements de nos pairs et des lecteurs. Y réussissons-nous ? L’important, c’est de l’avoir fait.
Quel est votre livre de chevet ?
Actuellement, je suis plongé dans Reflex de Maud Mayeras. Là aussi, j’en prends pour mon grade en terme d’écriture léchée et qui me plaît énormément.
Pouvez-vous nous parler de N’y descendez jamais ?
N’y descendez jamais !, c’est avant-tout l’histoire d’une femme prénommée Abigail Richardson ou Aby pour les intimes. Une Lady au regard pâle de l’opale comme j’aime appeler ces femmes qui sortent du lot et dotées d’une prestance à te rétamer la rétine au premier regard. Le sien, il va pourfendre le lecteur et l’inviter à suivre son histoire sur 70 ans de sa vie dans les méandres d’un quartier, Harlem la noire et plus précisément une rue, la 129ème Ouest. C’est une saga au cours de quatre périodes de la vie de cette femme. La première, c’est maintenant, là, par là, tout de suite et l’on commence en 1939.
Alors pourquoi N’y descendez jamais !
Il n’y a pas besoin de se poser cette question. On ira tous ensemble là où elle le voudra. Elle va vous prendre par la main. Vous inviter à la suivre dans le flot de ses pensées, dans les mots qu’elle ne pouvait pas avouer mais qu’elle va vous confier car, chut, si j’en parle, je devrais avaler ma langue… On descendra avec elle parce qu’il le faut pour lui rendre hommage mais il n’y a pas qu’à elle. Elle est le porte étendard de toutes ces femmes silencieuses et fortes à la fois qui vivent dans l’ombre. Qui mériteraient tant de reconnaissance pour les combats qu’elles mènent en leur quotidien… Lucidité rime avec justesse et il ne faudra pas prendre ombrage de ma plume poétiquement sordide car ma seule question au terme de ce roman sera :
Et maintenant, on fait quoi ?
C’est quoi la suite ?
Après avoir été classé dixième du concours de nouvelles de L’Écho, ma nouvelle, Veux-tu jouer avec moi sera publiée en fin d’année dans un recueil où les 35 lauréats figureront. J’ai aussi remporté avec mon amie photographe Rachel Papo (RP Images) un autre appel à roman-photos pour les éditions Belladone d’Aurore Guillemette. Je ne connais pas la date de la parution de notre projet retenu. Le roman N’y descendez jamais ! dont les parutions des quatre parties sont comprises entre le premier août et le 31 octobre prochain vont occuper nombreuses de mes nuits car auto-publié, je m’occupe de toute la promotion et ce n’est pas une sinécure. Enfin et déjà en préparation, mon deuxième roman sera disponible en intégralité pour le 1er juin de l’année prochaine. En clair, j’ai de quoi occuper ma vie de gars au R.S.A pour de nombreuses années.
Quel est le dernier livre que vous ayez lu ?
Dust de Sonja Delzongle a été une révélation. Mon apocalypse littéraire de cette année tant j’ai reconnu des choses qui transpirent en moi. J’ai tout simplement été bluffé par l’histoire et ses rebondissements. Il y a du talent chez cet écrivain.
Fabrice Liégeois
Je me prénomme Fabrice Liégeois. Je suis né le jour de l’année 1970. J’écris des histoires qui font peur dans le noir, qui font mal au-dedans et vous savez quoi ? Moi, je vous prends à l’intérieur et je vous traumatise.
Pour en savoir plus sur Fabrice Liégeois :
herreiff3lstories.wordpress.com