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Interview de Laurent Scalese

14 Mar 2015

10930901_1401077206872420_2456366609348956433_nQuel est le premier livre que vous ayez lu ?

Impossible de dire précisément lequel, mais il s’agissait d’un roman issu de la fameuse série « Le Club des Cinq », publié dans la Bibliothèque rose.

Dans quelles circonstances avez-vous écrit votre premier roman ?

Mon premier roman – le premier achevé – donnait dans la SF. J’ai commencé à le rédiger au cours de l’hiver 1994. En fait, j’ai écrit une trilogie ayant pour héros deux enquêteurs, dans un futur proche. Les refus des maisons d’édition m’ont fait comprendre que le genre n’était plus à la mode – en France en tout cas – et qu’il tombait même en désuétude. Je me suis alors tourné vers le polar. Partant de ma passion pour le Japon, médiéval et moderne, je me suis lancé dans l’écriture de mon premier roman policier, « Le samouraï qui pleure », en 1999. Il a été publié un an plus tard aux Éditions Pygmalion, une filiale de Flammarion. Le début de l’aventure. Ma première nouvelle, policière, très noire, je l’ai rédigée dans ces eaux-là, en 1998, pour un concours organisé par les Éditions du Seuil. J’ai fini parmi les cinq premiers, ce qui m’a permis de gagner un voyage à New York et la collection complète Points policier.

Pourquoi écrivez-vous ?

Par nécessité, par besoin, par plaisir. Parce que c’est exactement ce que je voulais faire de ma vie. L’écriture représente beaucoup de choses pour moi. C’est une façon d’apporter mon point de vue sur la société dans laquelle nous vivons, une manière d’exorciser mes peurs, une réponse à mes névroses, un cri que je pousse en espérant qu’il sera entendu par le plus grand nombre.

Quelles sont vos habitudes d’écriture ?

Le matin, je réfléchis à mon histoire, à mes personnages. J’ai l’air de ne rien faire, de rêvasser, mais je travaille, mon cerveau est en ébullition. Après avoir déjeuné, vers 14h, je m’installe devant mon ordinateur et je me lance, avec un mélange d’excitation et d’appréhension : vais-je réussir, aujourd’hui encore, à donner le meilleur de moi-même ? J’écris le dernier mot aux alentours de 20h. Je dîne et je regarde un film ou un épisode de série, j’en ai besoin, ça me permet de m’évader, de rêver, j’adore qu’on m’emmène ailleurs, loin du quotidien.

Pensez-vous qu’il faille être un grand lecteur pour être un bon auteur ?

Absolument. Si on veut écrire, il faut lire, encore et encore. On apprend en confrontant son style à celui des autres. Quel que soit le genre dans lequel on a choisi d’exercer, il faut lire. Lire permet de comprendre et d’assimiler les techniques d’écriture, de se rendre compte à quel point la narration, la structure, la langue, la syntaxe, l’orthographe et la grammaire sont des choses importantes quand on écrit. Il ne s’agit pas juste d’aligner des phrases sur l’écran de son ordinateur.

Avez-vous approché d’autres auteurs pour leur demander des conseils ?

Non, j’ai appris en lisant, beaucoup. Je m’attardais davantage sur la manière d’écrire des auteurs que j’admirais et dont je respectais le travail. Quand j’ai décidé de tenter l’aventure de la publication, mon raisonnement était le suivant : ça passe ou ça casse. Je préférais n’en vouloir qu’à moi-même en cas d’échec, ne rien avoir à reprocher à personne. Un beau matin, j’ai envoyé une trentaine de manuscrits par la poste, en espérant que…

Quelle est l’importance du cinéma et des séries TV dans vos romans ?

Mes premières influences sont littéraires. Des écrivains comme Conan Doyle, Agatha Christie et Pierre Boulle ont bercé mon adolescence, ce sont véritablement eux qui m’ont inoculé le virus de l’écriture. Plus tard, le cinéma m’a influencé. Des films de genre comme « Blade runner » « Seven » ou « L’armée des douze singes » m’ont impressionné par leurs qualités d’écriture. Mais la vraie révolution, en ce qui me concerne, a commencé avec les séries télévisées du début des années 2000. « The Shield » a ouvert le bal. Subversive, sans concession, réaliste, sombre, très sombre, cette série m’a littéralement cloué sur place, fasciné. J’ai enchaîné avec la cultissime « Six Feet Under », la série qui parle de la mort pour mieux parler de la vie. Là encore, une écriture au cordeau, des personnages d’une profondeur incroyable. D’autres programmes ont suivi, dans des genres différents, comme « Mad Men », Luther », «The Walking Dead », etc. Nic Pizzolato, le créateur de l’excellentissime « True Detective », a dit récemment, à juste titre, que les séries tv se substituent peu à peu à la littérature, parce qu’elles sont si bien écrites, les dialogues sont si brillants que même un gros lecteur s’y retrouve.

Vous êtes également scénariste pour la télévision, entre autres de l’excellente série « Chérif » sur France 2. Quelles sont les différences entre écrire un roman et écrire un épisode de série ?

Ce n’est pas le même métier. Pour schématiser, un scénario est comparable à un squelette, les dialogues en sont la chair. Des didascalies – indications scéniques – précèdent les dialogues, elles doivent être simples, précises, afin que toute l’équipe, du réalisateur aux comédiens, puisse comprendre à la première lecture ce que l’auteur veut dire. Le nombre de pages et de scènes est limité, car il faut tenir compte du minutage requis par le film ou l’épisode de série que vous écrivez. Idéalement, on se passe autant que possible des dialogues, on évite ceux qui sont trop explicatifs, car l’avantage de l’image, c’est qu’elle parle d’elle-même. Par exemple, si on veut faire passer un sentiment amoureux, ou haineux, entre deux personnages, il suffit d’un regard. Le spectateur lira dans leurs yeux ce qu’ils ressentent. D’après mon expérience, écrire un roman, tenir l’intrigue de bout en bout, en respectant la syntaxe, la grammaire, l’orthographe, en donnant de l’épaisseur aux personnages, est beaucoup plus difficile. On est dans le mot à mot, c’est de l’artisanat. Ça demande du temps, c’est un travail de longue haleine.

Quelle est votre actualité littéraire ?

Mon prochain roman, «La voie des âmes », paraîtra le 19 mars 2015 aux Éditions Belfond. Le pitch : Richard Neville, commandant à la brigade criminelle, a un don. En touchant la main d’une personne décédée, il parvient à voir les derniers instants de sa vie. Un don évidemment très utile dans son métier. Quand l’histoire débute, il est appelé à New York, à Brooklyn plus précisément, où un tueur en série insaisissable sévit. Sur place, sa femme, Clara, est assassinée à Central Park, au beau milieu de l’après-midi. Richard est alors approché par une femme mystérieuse qui lui propose un marché : elle peut sauver Clara, à condition qu’il lui rende un service… De quel service s’agit-il ? Quelles seront les conséquences de ce pacte ? Jusqu’où Richard ira-il pour revoir Clara ? Le roman pose la question : et nous, jusqu’où serions-nous prêts à aller par amour ?

Quel est le dernier livre que vous ayez lu ?

« Under the skin », de Michel Faber. L’histoire d’une extraterrestre, que le narrateur appelle Isserley, ayant pris forme humaine. Elle a pour mission de sillonner les routes d’Écosse et de repérer – d’aguicher, plutôt – des hommes, en bonne santé et bien bâtis. Des hommes dont ses semblables font un usage particulier… Un roman de SF original, décalé, à l’humour parfois très noir, qui surprend et touche aussi par sa dimension nostalgique et romantique. Le livre a récemment été adapté au cinéma, avec Scarlett Johansson dans le rôle principal.

Laurent Scalese

Laurent Scalese

Passionné par le roman noir des années 1930-1940 et le cinéma anglo-américain, Laurent Scalese est aujourd’hui un scénariste reconnu pour le cinéma et la télévision.

Auteur de romans policiers à succès, il a publiéLe Samouraï qui pleure, L’Ombre de Janus, Des pas sous la cendre chez Pygmalion et, chez Belfond, Le Baiser de Jason, prix Sang d’encre des lycéens 2005, Le Sang de la mariée (2006) et La Cicatrice du diable (2009).

Pour en savoir plus sur Laurent Scalèse : www.laurent-scalese.com

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