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Interview de Jean-Luc Manet

28 Oct 2015

Couv' Trottoirs (recto)Quel est le premier livre que vous vous souvenez avoir lu ?

Lequel précisément, je ne me souviens plus. Mais c’était un Club des Cinq d’Enid Blyton, ça c’est sûr. J’adorais. Puis après le Clan des Sept & Co, j’ai logiquement bifurqué assez jeune vers le noir, les grands classiques américains, les français contemporains…

Pensez-vous qu’il faille être un grand lecteur pour être un bon auteur ?

Sans aucun doute. Je pense même qu’il est essentiel de garder une attitude de lecteur en écrivant. Lire ses phrases comme si elles étaient d’un autre, écouter et juger leur mélodie, virer tout ce qui en casse le rythme…

Vous écrivez essentiellement de la nouvelle. Est-ce un choix ?

D’une part, j’aime bien ce format, qui va à l’essentiel, qui interdit le gras. D’autre part, je n’ai pas encore assez de temps pour me plonger dans la rédaction d’un livre plus long. Je pense qu’il est important d’écrire vite, quasiment sans respirer, ne rien lâcher, pour que le texte se tienne et frappe juste. Si on lève la tête, c’est foutu, la cohésion se fendille, et le lecteur va se faire chier.

Dans quelles circonstances avez-vous écrit votre première nouvelle ?

En fait, approximativement au changement de siècle, le rock a commencé à moins me passionner. Ce n’est pas vraiment la musique que j’ai déserté, mais ses changements environnementaux. C’était assez romanesque finalement d’écrire sur Clash, Motörhead ou tout autre groupe avec une vraie histoire. Le rock’n’roll était une aventure quotidienne à l’époque. Les anecdotes pleuvaient et les articles y prenaient de fait plein de couleurs. Comment voulez-vous désormais raconter avec autant d’élans les jeunes groupes actuels et interchangeables que l’on jette après un ou deux albums ? La musique aujourd’hui respecte plus ses actionnaires que ses artistes : c’est désolant et peu motivant pour l’écriture. Il m’a donc fallu trouver d’autres voies pour assouvir mon simple besoin d’aligner les mots. La fiction s’est imposée d’elle-même…

Qu’est-ce qui fait, selon vous, une bonne nouvelle ?

Son rythme. Son rythme. Voire son rythme. Plus sérieusement, j’aime aussi qu’une nouvelle me raconte une histoire. Je n’aime pas les trucs fumeux, je suis plutôt un couillon extrêmement basique.

En tant que critique musical (pour les Inrocks, notamment), acceptez-vous sereinement les critiques de vos nouvelles ?

Et comment ! Il y a bien pire que les critiques : c’est l’indifférence. J’explique toujours ça aux groupes ou aux auteurs : il vaut mieux se faire égratigner qu’être ignoré.

Ces dernières années ont vu naître bon nombre de recueils de nouvelles collectifs autour de groupes de rock. Marketing ou vrais hommages ?

Juste un joli moyen que nous avons trouvé, avec Jean-Noël Levavasseur qui dirige ces recueils, de conjuguer nos deux passions pour le rock et la littérature noire. Marketing ? Ce serait prétentieux de penser que nous avons inventé un nouveau processus industriel et rentable. Notre London Calling a certes réalisé une carrière plus qu’honorable en librairie, mais pas mal d’autres restent des ouvrages très confidentiels, même si ce n’est pas la moindre de nos fiertés d’avoir réussi à publier des ovnis tels que ces bouquins autour de La Souris Déglinguée ou le Gun Club.

Vous faut-il un fond musical pour écrire ?

Rarement. D’autant que j’écris majoritairement loin de mon domicile, dans les transports en commun ou sur un banc. Trottoirs est vraiment né sur un banc…

Justement, pouvez-vous nous parler de Trottoirs ?

Je trouve que les autres en parlent mieux que moi. On écrit le nez collé au pare-brise. On n’a pas le recul suffisant pour savoir à quelle vitesse on a roulé. Je préfère que ce soient les autres qui me disent si j’ai conduit pépère et mou, juste sur les acquis, ou si je suis gravement monté dans les tours. À propos de Trottoirs, Hugues Robert de la librairie Charybde a eu des mots qui m’ont beaucoup touché (à découvrir en cliquant ICI).

Quel est le dernier livre que vous ayez lu ?

La trilogie Vernon Subutex de Virginie Despentes. Un régal, pour son écriture sèche et lumineuse à la fois, pour son balayage de notre génération commune aussi. Elle nous en colle quand même plein la poire…

Jean-Luc Manet

Jean-Luc Manet

Jean-Luc Manet est né en 1959 à Paris.

Tombé très jeune dans le chaudron du rock’n’roll le plus brûlant et à jamais détourné du droit chemin par la vague punk, il devient critique musical dès 1979 (pour Best ou Les Inrockuptibles notamment).

Il est également l’auteur de trois romans courts (Terminus Plage de Boisvinet chez Autrement en 2005, Haine 7 chez Antidata en 2012 et du présent Trottoirs aux éditions In8) et de nombreuses nouvelles noires, toujours charpentés par ce même goût des rythmes binaires et écorchés.

Photo : Jérôme Soligny

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