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Interview d’Emmanuel Grand

23 Jan 2016

Les salauds devront payer-19Quel est le premier livre que vous vous souvenez avoir lu ?

Robinson Crusoé. C’était une édition illustrée. Un livre épais avec une couverture rigide. J’étais totalement fasciné par l’histoire de ce type qui devait se débrouiller, par n’importe quel moyen pour survivre. Il devait faire preuve d’imagination, de débrouillardise, d’économie, de courage. Je m’identifiais totalement. En plus, seul sur une île… Je m’y voyais vraiment beaucoup. C’était très ludique comme lecture. Je crois que c’est cela, avant toute chose, que j’appréciais.

Pensez-vous qu’il faille être un grand lecteur pour être un bon auteur ?

Non, je ne crois pas. Je pense que ce sont deux aptitudes différentes. Pas incompatibles, mais différentes. Pour ma part, je n’ai été un lecteur que sur le tard. Étant jeune, je crois que j’avais peur des livres. Peur de ce silence et de cette immobilité, de ce retranchement du monde qu’impliquent la lecture. Pour moi c’était une petite mort. Les grands lecteurs savent au contraire que le livre apporte un supplément de vie. Pour autant, j’étais très attentif, très observateur. Je crois que la première qualité d’un écrivain, c’est l’écoute.

Vous avez sorti votre premier roman à 48 ans. Que s’est-il passé côté écriture de votre naissance à Terminus Belz ?

J’ai commencé à écrire il y a une quinzaine d’année. Des textes divers, chansons, chroniques, nouvelles… Des textes que je n’ai jamais eu l’intention de faire publier et qui n’ont pas vocation à l’être. J’ai été encouragé par certains membres proches de ma famille. C’est très précieux, parce que quand on décide de se lancer dans l’écriture de son premier roman, on sait que statistiquement, on a une chance sur cent d’être publié. Autant dire qu’on le fait pour soi, avant tout. Et quand on est soutenu, c’est plus facile.

Dès ce premier roman, vous obtenez des prix. Avez-vous eu la pression pour la sortie du suivant ?

J’ai obtenu en effet le prix Polar Lens et le prix Tenebris, mais j’ai été nominé sur beaucoup d’autres prix sans être lauréat et ça ne me monte pas du tout à la tête. C’est très agréable de recevoir des prix, mais il y a beaucoup de romans qui n’obtiennent jamais de prix et qui les mériteraient amplement. Pour autant, j’aurais tort de nier la pression pour le second roman. Une pression qu’on se met soi-même parce qu’on a des lecteurs et qu’on ne veut pas les décevoir parce qu’on a peur qu’ils vous abandonnent.

Le suivant, c’est Les salauds devront payer, sorti le 7 janvier. Pouvez-vous nous en parler ?

L’histoire se passe aujourd’hui à Wollaing, une petite ville du Nord de la France, près de Valenciennes qui a été le siège de Berga, une grande usine métallurgique fermée 30 ans auparavant et qui a laissé une communauté exsangue, où règnent les petits boulots, les trafics et le système D.

C’est alors qu’une jeune fille d’à peine vingt ans, toxicomane, se fait assassiner dans un terrain vague. Une enquête est ouverte et les deux flics qui la mènent, Erik Buchmeyer et Saliha Bouazem vont plonger dans cette société glauque faite de types à la dérive, de dealers, de gros bras recouvreurs de dettes. D’autres meurtres vont survenir et le commandant Buchmeyer va avoir l’intuition que la réplique d’un drame ancien est en train de se jouer sous ses yeux, un drame qu’il va devoir élucider pour résoudre son enquête.

Wollaing est une ville imaginaire. Comment l’avez-vous construite ?

Comme pour mon premier roman qui se passait sur une île imaginaire, inspirée d’une vraie île de Bretagne, Wollaing n’existe pas. Cela me donne de la liberté pour positionner les rues comme je l’entends, décrire les maisons, les bâtiments sans souci de rigoureuse exactitude. Elle est inspirée d’une ville réelle dont je tairai le nom mais que les lecteurs attentifs peuvent retrouver dans le livre… Je suis allé me balader dans cette région, près de la forêt de Raismes et je me suis arrêté dans cette ville. J’ai marché dans les rues, pris un tas de photos, respiré l’âme du lieu pour bien m’en imprégner.

La vie d’auteur est une drôle de vie. Avez-vous une anecdote amusante à nous raconter ?

Une drôle de vie je ne sais pas. Le travail d’écrivain, tel que je le pratique est assez monacal. Un travail personnel, silencieux, rigoureux, qui se déploie sur de longs mois. Je pense qu’il y a beaucoup de gens que cela ennuierait profondément. Personnellement, j’adore. Dès que le roman est rendu chez l’éditeur, je réfléchis au suivant. Une anecdote ? Un jour je rencontrais des lecteurs dans une librairie et un couple vient me voir à la fin de mon speech pour me dire : Merci, vous nous avez réconcilié. J’étais un peu mal à l’aise alors l’homme a dit : je ne lis jamais de polar et ma femme ne lit que cela. Du coup nous n’aimons jamais les mêmes livres. Mais le vôtre, nous l’avons aimé tous les deux.

Vous êtes né en 1966. Moi aussi. Vous travaillez dans le web. Moi aussi. L’action de votre dernier roman se situe entre Douai et Valenciennes. Je suis né à Douai et j’ai suivi une partie de mes études à Valenciennes. Vous allez arrêter de me suivre comme ça ?

Pourquoi, vous écrivez un roman ?

Et c’est quoi la suite ?

Un autre livre bien sûr. Qui ne sera pas la suite des Salauds. Dans Les salauds devront payer, il y a des personnages, je pense à Buchmeyer et Saliha qui auraient peut-être vocation à reprendre du service, mais pas tout de suite. Un jour peut être. Pour l’heure, j’ai encore envie de changer d’air et de contexte. C’est en cours de réflexion et nous verrons où cela nous mène…

Quel est le dernier livre que vous ayez lu ?

Je suis en train de lire Ils savent tout de vous, de Iain Levison, aux éditions Liana Levi. C’est l’histoire de la rencontre entre un flic et un condamné à mort, tous les deux télépathes. Une histoire de dingues. C’est assez barré et c’est très bien.

Emmanuel Grand

Emmanuel Grand

Emmanuel Grand, né à Versailles en 1966, a passé son enfance en Vendée, à vingt kilomètres de la côte atlantique.

Il vit en région parisienne, à Colombes.

La journée, il est responsable du design du site web d’un grand opérateur téléphonique. Au petit matin, il écrit.

Photo : (c) Philippe Matsas/Opale/Leemage/Éditions Liana Levi

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