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Interview de Michaël Moslonka

17 Avr 2019

Quand le réel est terrifiant, la rêverie donne un espoir fou. À Auschwitz ou lors de la guerre du Pacifique, le surhomme était un poète.

Boris Cyrulnik

Un merveilleux malheur

Quel est le premier livre que vous vous souvenez avoir lu ?

Le premier livre ? Hum… Est-ce qu’un tas de premiers livres, ça marche ?
Baigné dans la lecture depuis tout môme (il y avait toujours des bouquins d’aventure aux toilettes et, quand il n’y en avait pas, j’y emmenais mes Marvel ou mes Bibliothèque Verte), je n’ai pas souvenir d’ « un livre » mais « de livres ».

Toutefois, je pense que c’est l’école qui m’a apporté mon premier trip avec la lecture. Je me souviens d’abord de David et Valérie, un manuel qui, à partir de petites histoires d’une demi-page (ou d’une, peut-être), nous apprenait à lire. Puis un peu plus tard du Roman de Renart avec les fameux Ysendrin et Goupil !

Ensuite, est arrivée la découverte des X-Men, avec le numéro 12 de Spécial Strange, où sur la couverture Jeanne Grey en Phénix renait de ses cendres (après que la navette des X-Men se soit écrasée dans la mer). Ce numéro m’avait été donné par l’un de mes cousins. Ça a été une révélation !

Quel a été le déclic pour entrer en écriture ?

Il y a d’abord eu ce moment en classe primaire, où, inspiré par mes livres de la Bibliothèque Verte, j’ai décidé d’écrire à mon tour une histoire. J’ai pris mon petit carnet à spirales et à carreaux. Je l’ai ouvert et, sur la première page, j’ai écris le titre du tout premier chapitre – inachevé – de ma carrière : « Chapitre 1 » avec en-dessous « Un étrange SOS ».

Puis, quelques carreaux en-dessous, à la ligne, j’ai commencé la rédaction de mon histoire : « Michel reçoit un étrange SOS. »

Début d’histoire fameux et annonciateur d’incroyables péripéties, n’est-ce pas ?

Bon, je ne suis pas allé plus loin. J’en étais fichtrement incapable.

Pour autant, ça n’a pas été ça, le véritable déclic. Il est venu plus tard. Quand j’étais pré-adolescent, avec un pote du collège, nous inventions des super-héros. Je m’occupais d’en dessiner les aventures, en BD. J’en ai réalisées pas mal, je pense.

Je me souviens de ce fameux jour… J’étais dans la cuisine, assis à l’extrémité de notre table en formica blanc (l’extrémité située du côté de l’évier et de la fenêtre ; l’autre étant la place du paternel). Je dessinais une nouvelle aventure des Défenseurs du Bien – tadaaaam !

Sauf que je me rendais compte que je n’avais aucun talent pour dessiner (et, peut-être, que le dessin représentait pas mal de taf – trop pour le partisan du moindre effort que j’étais déjà à cet âge). Sauf que (bis) je voulais continuer à raconter mes histoires. À cet instant, il y a dû y avoir une ampoule au-dessus de ma tête qui s’est allumée. Je me suis dis, tout à coup inspiré par une idée de génie : « Et si j’utilisais les mots ? »

Ça a été lui, le vrai déclic.

Pensez-vous que tout le monde puisse écrire un livre, un roman, une nouvelle ?

À mon avis, tout le monde est capable d’écrire une histoire. Certaines personnes y réussiront seules. D’autres auront besoin d’être accompagnées, voire d’un apprentissage.

Dans les deux cas de figure, il faudra de la volonté, de la persévérance, de la ténacité et de la rigueur pour mener son histoire jusqu’à son point final. Il faudra aussi travailler et re-travailler son texte jusqu’à ce qu’il soit abouti. En effet, s’il y a une définition de l’écriture à retenir, c’est celle-là : « Écrire, c’est ré-écrire ». C’est ce que j’apprends à toutes celles et ceux que j’accompagne dans mes ateliers d’écriture.

C’est là que s’opère, je pense, une première sélection. Entre l’écriture « plaisir » et l’écriture « pro dans le but d’être publié » (écriture pro qui comprend le plaisir quand même, hein. Faut pas l’oublier le plaisir d’écrire et de raconter – il est quand même là, même si on souhaite un jour se la péter en se présentant comme écrivain !).

Puis viendra une autre sélection : la publication. Je ne m’étendrai pas là-dessus – parce que le sujet est trop complexe pour tenir en quelques lignes et parce que vous ne m’avez pas posé la question : « Pensez-vous que tout le monde puisse être publié ? »

Écrire, c’est comme n’importe quelle discipline. Il y a une part de travail, de soutien et de volonté. Je ne crois pas en l’adage, très pompeux de « Quand on veut, on peut ». C’est, à mon sens, réducteur et totalement faux. En revanche, si on ne veut pas, il ne se passera pas grand chose. Il y a de cela dans l’écriture. « Écrire, c’est poser son cul sur une chaise et écrire » ai-je entendu, un jour, à la radio, de la part d’un auteur américain dont j’ai totalement oublié le nom (peut-être même n’était-il pas américain). C’est exactement ça. Si on n’écrit pas : il ne se passera rien.

La grande difficulté – au contraire d’autres disciplines –, c’est que, dans ce genre d’exercice, on est seul avec nous-mêmes. Il n’y a donc que nous-mêmes qui puissions nous donner un coup de pied au cul pour que l’on écrive. Personne d’autre.

La musique est-elle importante pour un auteur ?

Pour un auteur ? Aucune idée. Pour moi, elle est importante.

Je peux écrire avec de la musique ou pas. Cela dépend de mon état d’esprit. Et si j’écris avec de la musique, elle devra être soit sans paroles, donc instrumentale, soit avec des paroles en langue étrangère.

En fait, jusqu’à récemment, ce qui m’importait dans la musique et les chansons, c’était l’univers dépeint par son auteur et les émotions transportées.

Quand je travaille sur une histoire, des musiques et des chansons peuplent déjà mon crâne. Parfois, je me promène au hasard des liens sur le net et en découvrent d’autres qui, bien souvent, font écho à ce que je suis en train d’écrire – à la réflexion, c’est assez déstabilisant. Dès lors, je m’accroche à elles et elles vont m’accompagner à chaque instant : dans la voiture, si j’ai le CD ; ou, devant mon écran d’ordinateur, si j’écris. Dans ce dernier cas, il m’arrive souvent d’arrêter d’écrire et de me passer en boucle la ou les musiques-chansons concernées. Dès lors, commence une étrange cohabitation : celle de l’univers créé par le compositeur, le mien et celui que je suis en train de créer.

Désormais, l’intérêt est également autre.

Pendant l’écriture, je passe une musique instrumentale. En fait, la BO de la série manga Naruto. Des mélodies exceptionnelles, soit dit en passant. Cette musique m’apaise et me permet d’écrire dans une sorte de quiétude bienfaitrice. En effet, ces dernières années, l’écriture est un exercice douloureux – psychologiquement parlant. Je suis un peu comme un footballeur qui jouerait avec une crampe au mollet.

Comment pourrait-on qualifier votre style ?

Alors là, aucune idée. Sur ce coup, le mieux est de demander à celles et ceux qui me lisent. Autant, il y a des choses sur lesquelles je me penche et que j’intellectualise, voire théorise – et, donc, que je peux évoquer ; autant là, je ne m’y risquerai pas. Pas envie de me faire un claquage de l’ego, voire d’exploser mes chaussettes ou encore de déformer ma casquette !

Analyser mon style et le définir ne m’intéressent pas du tout. Mon job et ma passion, c’est d’écrire – et faire écrire. Pas de qualifier ce que j’écris.

Je me souviens de ce qu’une chroniqueuse avait dit concernant « C’est Baudelaire qu’on embaume » (placement de produit, c’est l’occasion, j’en profite – d’autant qu’il n’est plus édité – incise dans l’incise dans la parenthèse : y aura peut-être bien une réédition à venir) : « Ce livre m’a permis de retrouver ce qui a fait de moi l’amoureuse des Belles Lettres, et il m’a amenée à réaliser une belle gymnastique au niveau de mon cerveau pour se remettre dans une écriture très élaborée. »

Ce qui n’a pas fait décoller les ventes. Dommage hé hé. Mais j’ai aimé et j’en ai ressenti de la fierté.

Quels genres d’histoires aimez-vous raconter ?

Toutes celles que j’ai envie de raconter. Peu importe le genre, c’est l’histoire qui compte – et, même, qui conte.

Pour autant, je ne suis pas indifférent aux genres littéraires. Ils peuvent être source de défi ou d’envie pour moi : Tiens, et si j’écrivais un roman historique ? Et si je me lançais dans un roman sentimental ? En fait, tous les genres littéraires sont pour moi source d’aventures, de défis et de création. Bien sûr, si je n’ai pas d’histoire à y insérer, je ne m’y risquerai pas. Il n’y a rien de pire qu’une personne qui parle alors qu’elle n’a rien à dire. Ça fonctionne aussi, à mon sens, pour les romanciers et les écrivains quand ils écrivent.

En revanche, si tu avais posé la question « Quels genres d’histoires n’aimes-tu pas raconter ? », j’aurais pu te répondre que je suis dans une période ou le polar/roman policier/roman noir/thriller adulte me rebute, me saoule et me fatigue ; qu’il ne m’inspire plus vraiment. Même si cela semble n’être qu’une phase. À suivre. À voir. À développer, le jour où l’on me posera la question, hé hé !

Qui est MM Faiseur d’histoires ?

MM Faiseur d’histoires, c’est m’a p’tite fierté.

En 2013, j’ai quitté mon job de moniteur-éducateur pour créer mon entreprise : MM Faiseur d’histoires.

Par son intermédiaire, je propose mes services en tant qu’écrivain public, mais également en tant qu’animateur d’ateliers d’écriture. Pour ces derniers, je propose soit l’écriture d’histoires (tous genres confondus en fonction du projet que souhaitent les personnes faisant appel à moi), soit une approche de ce qu’est la création d’une histoire.

J’interviens auprès de tous les publics : quel que soit leur âge et quelle que soit leur situation. En établissements scolaires (écoles primaires, collèges, lycée pro ou d’enseignement général), en partenariat avec des médiathèques, avec les résidents de maisons de retraite, les patients de services hospitaliers, les adhérents de centres sociaux culturels ou avec des détenus. Je suis aussi des particuliers qui souhaitent écrire leurs premiers textes. Bref, je fais écrire tout le monde et c’est carrément top ! J’adore ça !

Il faut savoir qu’après l’épisode « Chapitre 1 : Un étrange SOS », j’ai écrit mes premières histoires au collège. Oui, j’ai su développer mes idées et les mener jusqu’au point final. Ceci grâce mon professeur de français (monsieur Thelliez, si ma mémoire est bonne) qui animait des ateliers d’écriture. Merci, monsieur Thelliez, je vous dois tout !

Avec mes propres ateliers d’écriture, la boucle est bouclée – car, je sais, avoir mené certains de mes participants vers la voie de l’écriture.

Pour découvrir les projets que j’ai menés et animés, c’est ici.

Finalement, je m’occupe également de rédiger des biographies ou des récits de vie que les gens pourront transmettre ensuite à leur famille.

MM Faiseur d’histoires est une entreprise qui vole de ses propres ailes depuis le 1er avril 2014. Ce qui a le don de me faire marrer, car ça ressemble à un poisson d’avril, du coup. N’empêche que l’aventure dure depuis cinq ans et j’espère bien que cela ne s’arrêtera jamais !

Au fait, tout le monde a percuté que MM, c’était pour Michaël Moslonka ?

La vie d’auteur est une drôle de vie. Avez-vous une anecdote amusante à nous raconter ?

Drôle de vie ? Certes. Une vie drôle ? Pas spécialement.

Pour moi, l’écriture est difficile. Quand, j’écris, je me sens mal. Et, si je n’écris pas, je me sens encore plus mal. Le besoin et la flemme cohabitent, avec, en prime, l’euphorie et un état proche la dépression, le tout baigné dans l’imagination et l’envie de raconter des milliers d’histoires !

Quant à la vie d’auteur, à mon niveau, elle est pleine d’incertitudes. Rien n’est acquis, tout est fragile.

Mince, j’ai plombé l’ambiance…

Mais rassurez-vous, David, et rassurez-vous, lecteurs et lectrices de cette entrevue, je vais bien ! En plus, je connais un tas d’anecdotes amusantes. Sur tout et sur rien. Surtout, sur rien.

I’m happy…

Sincèrement. Car la vie de romancier est une vie riche d’émotions, de sentiments et de rencontres.

OK, OK, la vie d’auteur est bien une drôle de vie !

Quelle est votre actualité littéraire ?

Elle est, en principe, à venir avec la reprise et la réédition de mes anciens titres Thriller/Polar/Romans noirs/ Romans policiers adultes. Titres qui, de part, la liquidation judiciaire de l’un de mes éditeurs ont disparu de la circulation.

Allez, zou ! Placement de produits !

Si tout va bien (je suis d’un naturel optimiste!), ces prochains mois devraient voir revenir : 666e kilomètre, À minuit, les chiens cessent d’aboyer, En attendant les vers, Cette personne qui n’aimait pas les chiens et C’est Baudelaire qu’on embaume.

En 2020, devrait arriver sur la scène régionale un texte, La mélodie du malheur, qui avait été publié il y a pas mal d’années, de manière plutôt confidentielle, chez un éditeur du sud. Là, on serait avec une version longue.

J’aimerais bien également t’annoncer la parution d’une nouvelle enquête pour Ali et mes bras cassés, mais, je n’ai pas encore de retour de mon éditeur sur mon tapucrit.

À suivre !

Quel est le dernier livre que vous ayez lu ?

Le gang des rêves de Luca Di Fulvio (chez Pocket). Puissant ! Incroyable ! Magistral !

Michaël Moslonka

Michaël Moslonka

Ancien éducateur, Michaël Moslonka écrit, depuis 2004, dans des genres différents : fantastique, contes, roman sentimental, thrillers, polars, romans noirs et romans policiers. Il écrit aussi bien pour les adultes que pour la jeunesse.

Depuis 2011, il anime des ateliers d’écriture dans les établissements scolaires de la région (écoles primaires, collèges, lycées professionnels), dans les établissements spécialisés, en collaboration avec les services scolaires et éducatifs de certaines municipalités, auprès de centres socio-culturels (comme avec ceux de la ville de Lens dans le cadre du salon du polar). Il intervient également en établissement pénitentiaire.

Ces interventions sont devenues une activité à plein temps en juin 2013. Activité qui porte le nom de MM. Faiseur d’histoires.

Observateur du monde qui l’entoure, M.M. écrit ses histoires, sans limites de genres. Il n’a pour seules limites que son inspiration, ses préférences et son envie de raconter.

Son site d’auteur : www.michael-moslonka.com

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