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Interview de Chris Simon

8 Avr 2019

Tournons quelques scènes hors sujet. Je voudrais gagner l’Oscar du meilleur film étranger.

Billy Wilder

scénariste et réalisateur

Quel est le premier livre que vous vous souvenez avoir lu ?

Les aventures de Tom Sawyer de Mark Twain. Le personnage me plaisait beaucoup, je m’identifiais. En dehors de lui, je ne me rappelle pas trop de ses aventures.

Vous êtes franco-américaine. Apprend-on mieux l’art de l’écriture aux États-Unis ou en France ?

L’approche est différente. Aux États-Unis, la tendance est d’écrire d’où l’on vient, d’où l’on se situe dans la société, l’histoire, la famille… En France, il me semble que cela passe plus par l’enseignement de la littérature, l’analyse et l’étude des textes. Ce sont deux approches différentes. Il n’y a pas de jugement, chacun appréhende le monde avec ses préjugés, son histoire, sa langue qui construit la pensée. Cependant, l’enseignement de l’écriture en France est en train d’évoluer, il y a aujourd’hui dans les universités des cursus Creative Writing, des professeurs qui posent la question de la création littéraire au centre de l’enseignement universitaire. Au-delà de l’enseignement, il y a la transmission qui me semble encore assez inexistante, c’est regrettable. je connais des ateliers d’écriture basée sur la transmission, ceux d’Emmanuel Bing. Son approche globale cerne à la fois le sensible et le technique.

Que pourriez-vous dire des livres que vous avez écrits ?

Il y a toujours de l’humour, du décalage, une étrangeté. Cela vient du fait que j’ai une vision oblique des choses. Franchement, une grande partie de notre quotidien est ennuyeuse à mourir, alors j’aime bien vous faire voyager dans la tête de personnages déjantés, pas très nets, compliqués et qui ne savent pas trop comment s’en sortir, mais qui s’en sortent. Un bras en moins peut-être, mais bon qu’est-ce qu’un bras quand on a la vie devant soi ?

L’écrivain, doit-il être un bon psychologue ?

Je me demande toujours si le psychanalyste est un écrivain raté ou plutôt, si c’est l’écrivain qui est un psychanalyste raté. Et vous, vous en pensez quoi ?

Quelle est l’importance du cinéma dans votre écriture ?

Big. J’ai été à la pré-adolescence et l’adolescence une cinéphile. Je pouvais voir trois à quatre films par jour. À l’époque, il fallait aller au cinéma (les classiques pouvaient se regarder via la télé). Je connais même les noms des scénaristes. En fait, les scénaristes m’intéressaient plus que les réalisateurs et les acteurs. Nombreux films classiques américains et français ont été écrits par des écrivains à l’âge d’or du cinéma ou par des apprentis auteurs qui ont appris leur métier sur le tas (et à la télé dès les années 50 aux États-Unis). Des films de géants. Indémodables, même en noir et blanc. En fait, j’aime l’écriture cinématographique.

L’auto-édition pour vous, ça a été une obligation ou une volonté ?

Un choix. L’auteur aujourd’hui, comme le scénariste, est le plus mal traité de la chaîne du livre, le moins bien payé aussi. Alors plutôt que de me plaindre ou de m’apitoyer sur le sort des pauvres auteurs maltraités, j’essaie les solutions qui se présentent. Si on frappe toujours à la même porte, il ne faut pas s’attendre à recevoir une réponse différente ! L’autoédition est une nouvelle porte, j’ai frappé, on m’a laissé entrer. Ce n’est pas parfait, mais au moins je ne tourne pas en rond.

Pouvez-vous nous parler du Mag des Indés ?

Je l’ai arrêté. Il remplissait une véritable fonction quand je l’ai créé en 2014 ou 2015. Peu de gens connaissaient l’autoédition numérique. Nous avions besoin de trouver les infos, les tutoriels. Il catalysait les auteurs pionniers, les échanges, les informations, les how to. Il nous a permis de nous connaître, de nous rencontrer et de nous entraider. Nous avions le sentiment d’être dans l’aventure ensemble, c’était énorme. L’autoédition a évolué rapidement ces trois dernières années. Je ne sentais plus que le Mag des Indés correspondait à une demande ou une nécessité.

La vie d’auteur est une drôle de vie. Avez-vous une anecdote amusante à nous raconter ?

Ha ha. Il y a quelques années, j’avais rejoint des amis sur un bateau à voiles à Mount Desert Island, dans le Maine. Leur bateau se trouvait juste dans le même petit port, Bar Harbor, où habitait Marguerite Yourcenar Je m’étais dit que j’en profiterai pour aller visiter sa maison, je savais qu’après la mort de l’auteur, elle était devenue un petit musée. Un après-midi, j’ai donc dis à mes amis que j’allais m’y rendre. Je leur avais parlé d’elle, de ses livres, ils ne la connaissaient pas. Au moment où j’allais m’y rendre avec une amie intéressée aussi, ils m’ont demandé : Mais, elle vous attend ? Ce qui voulait dire vous l’avez prévenue, elle sait que vous venez…

J’ai ri, j’en ri encore, car Marguerite Yourcenar à ce moment là devait être morte depuis au moins 15 ans. Je me dis que j’avais dû tellement bien parler d’elle qu’elle était devenue vivante à leurs yeux.

Quelle est votre actualité littéraire ?

Le lundi 29 avril 2019, je lirai une scène du roman que je suis en train d’écrire, soirée détendue organisée par la revue WIP (Work In Progress). L’idée est de lire un extrait de roman en cours d’écriture. Ça se passe au Pitch Me, fabuleux restaurant africain dans le 20e arrondissement de Paris, trois autres auteurs se livreront à l’exercice avec moi.

Le 1er juin, je serai à Lyon. Dédicaces et rencontres au salon du livre de l’équipe Écriture Plurielle.

Le 31 août et 1er septembre dédicaces à Noirmoutier.

Entre ces deux derniers salon, je me consacrerai à mon roman. J’avance à pas de fourmi pour l’instant…

Quel est le dernier livre que vous ayez lu ?

En ce moment, je lis beaucoup de nouvelles d’auteurs contemporains, car je préside une association, Outlier, qui tente de redonner sa place à la nouvelle dans le paysage littéraire français. J’adore lire des nouvelles, c’est mon format de lecture préféré. La promesse de l’aube de Romain Gary est le dernier roman que j’ai lu, lecture pas du tout liée à l’adaptation cinématographique du roman, mais à un achat l’été dernier dans une Yard Sale d’une édition originale ! Les livres viennent à nous d’étranges manières. Dans ce roman, j’ai appris que j’avais un truc en commun avec Roman Gary, comme lui, je peux me gaver de bons gros cornichons russes à l’aneth.

Chris Simon

Chris Simon

Autrice hybride et franco-américaine, Chris Simon, parle avec humour de sujets graves. Psychanalyse, trafic de drogue et de médicaments, ou extermination de populations, rien ne résiste à son humour, déjanté ou pas, qui nous balade dans des ambiances allant de Woody Allen à Quentin Tarantino.

Ses premiers livres ont été publié dès 2012 aux éditions Publie.net et en 2014 aux éditions La Bourdonnaye, mais elle a aussi publié en indépendante, avec notamment, sa série Lacan et la boîte de mouchoirs, bestseller en numérique durant l’été 2013. Son deuxième roman, Mémorial tour, a été lauréat du jury Amazon au Salon Livre Paris 2016.

De 2016 à 2018, elle a écrit et publié une série noire et poilante, Brooklyn Paradis, en 4 saisons, disponibles en numérique, papier et livre-audio.

Un pied à Paris et un pied à New York, elle se consacre aujourd’hui entièrement à l’écriture et la transmet à travers des ateliers d’écriture.

Chris Simon est fondatrice et présidente d’Outlier, association qui a pour but de promouvoir la nouvelle à travers des publications, les meilleures nouvelles et des d’événements publics.

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