Interview de Yamina Mazzouz
La nuit la plus sombre a toujours une fin lumineuse.
Quel est le premier livre que vous vous souvenez avoir lu ?
Tistou les pouces verts, le seul conte pour enfants écrit par Maurice Druon.
Tistou, enfant issu d’un milieu favorisé, a le pouvoir de faire pousser des fleurs en apposant ses pouces. Il en profite pour embellir sa ville de Mirepoil et apporter le bonheur en utilisant son don dans la prison, l’hôpital, le bidonville, etc….
Je pense à le relire prochainement. J’aime l’idée d’un enfant regardant et agissant pour améliorer le monde des adultes. Sa force réside dans son innocence qui le rend exempt d’apriori et de fatalisme.
Comment en êtes-vous arrivé à écrire votre premier roman ?
J’ai toujours eu l’idée d’écrire sans en avoir défini le sujet et la forme. Je savais juste que j’aimais « faire danser les mots ». Je n’ai pris le temps de me lancer que lorsque je me suis trouvée alitée par une longue maladie. Finalement, à quelque chose malheur est bon. Ensuite, j’ai réfléchi au sujet qui me tenait le plus à cœur : l’émancipation féminine. Je tenais donc la base de mon projet, il me restait à en définir la forme, et c’est mon stylo qui a choisi pour moi. Dès que j’ai tué un personnage, ce fut une évidence : le polar serait mon style de roman.
Y a-t-il des auteurs qui vous ont inspirée ou influencée ?
Tout d’abord les classiques de la littérature britanniques. Principalement, Jane Austen et Elizabeth Gaskell, qui ont exploité intelligemment des figures féminines fortes et intelligentes, mais victimes de la société dans laquelle elles évoluent. La place et les droits restreints accordées aux femmes y sont parfaitement décrits.
Puis, les premiers polars comme ceux de Wilkie Collins, Conan Doyle, Gaston Leroux, Maurice Leblanc… Bien sûr, j’ai été bercé comme beaucoup par Agatha Christie. Ses intrigues sont exceptionnelles et systématiquement renouvelées, ce qui donne du fil à retordre aux lecteurs.
Je me suis également amusée en lisant Charles Exbrayat. Les titres de mes romans sont un hommage à des œuvres comme Chewing-gum et spaghetti ou Chianti et Coca-Cola dans lesquelles la différence de culture et l’incompréhension qui peut en découler ont été décrits de façon humoristique.
J’apprécie également les œuvres de Serge Brussolo, Stieg Larsson, Jussi Alder-Olsen, Deon Meyer, Dennis Lehane, Marc Villard… La liste de mes inspirations est encore très longue !
Le manoir de mon premier roman devait avoir une place importante, j’ai pensé à Manderley dans Rebecca de Daphne du Maurier.
Pensez-vous qu’il faille être un grand lecteur pour être un bon auteur ?
Je ne sais pas. Cela peut sûrement inspirer et aider à trouver son style de prédilection. En tout cas, je crois qu’il faut beaucoup d’imagination, de travail et de la rigueur. Sinon, je ne pense pas qu’il y ait de recette miracle. La qualité d’un auteur ne se mesure pas au nombre de livres qu’il a lu. Le seul arbitre est le lecteur.
Pouvez-vous nous présenter Norah ?
Norah est une jeune maghrébine ayant reçu une éducation stricte car son père a une vision traditionaliste de l’éducation des filles. Elle s’émancipe en quittant son foyer et se rend en Angleterre. Son absence de vécu la rend innocente, naïve et entière. Par manque d’expérience, elle ne sait pas vraiment relativiser. Elle est également fleur bleue comme toutes les filles qui vivent un premier amour. Avoir abandonné ses proches, développe son besoin d’amitiés solides, comme si elle se recréait un nouveau cercle familial. Ses amitiés et amour la conduisent à avoir des réactions tranchées voire excessives et à foncer tête baissée.
Norah m’a été inspirée par de nombreuses jeunes filles que j’ai croisé au cours de ma vie. Des filles pour qui la double culture n’a pas été qu’un avantage.
Mes personnages d’ordre général sont inspirés de proches ou de rencontres, mais comme pour Norah plusieurs individus sont à l’origine d’un même personnage. Avant même de commencer l’histoire, comme un alchimiste, je mets dans une éprouvette tous les éléments qui vont constituer mes personnages : caractère, physique, biographie… Je fais mes mélanges jusqu’à obtenir ce qui correspond vraiment à ma vision et aux besoins de l’histoire.
Quel est votre plus grand plaisir quand vous écrivez un roman ?
Au-delà de l’évasion que cela procure, j’aime semer les indices et les leurres nécessaire à une bonne intrigue. Je me mets à la place du lecteur et essaie d’imaginer leur réflexion et les conclusions qu’ils peuvent en tirer.
Vous êtes membre de la ligue du chapitre 22. Que vous apporte cette appartenance ?
Il faut revenir au source de la création de cette ligue. Nous nous sommes rencontrées dans un salon à Luchon qui avait été annulé puis réanimé par des bénévoles. C’est à cette occasion que nous avons commencé à échanger et à nous découvrir des points communs. Lors du dîner, notre entente était si incroyable, que créer notre ligue a paru une évidence. Depuis, nous nous sommes de plus en plus rapprochées.
Aujourd’hui, une amitié forte sans compétition nous lie. Grâce aux réseaux sociaux nous sommes en contact très régulièrement, on se soutient, s’informe, s’entraide, s’amuse… Aujourd’hui, nos discussions dépassent le sujet de la littérature.
La ligue est comme une sororité. Je suis très attachée aux filles et je ne pourrai plus me passer d’elles !
La vie d’auteur est une drôle de vie. Avez-vous une anecdote amusante à nous raconter ?
La vie d’auteurs est jalonnée de rencontres de toutes sortes. Je me souviens d’une dame qui m’avait demandé de réécrire la fin du premier volet Du Couscous dans le pudding. Elle m’a dit que je m’étais trompée car toutes les bonnes histoires finissent par un mariage. De plus, elle avait décidé du couple à marier dans le livre. Elle ne voulait pas en démordre et devenait agressive. J’ai fini par lui proposer de réécrire elle-même la fin qu’elle souhaitait. Elle a trouvé l’idée bonne. Elle m’a promis de m’envoyer sa version, mais c’était il y a un an alors je pense qu’elle a dû abandonner.
Quels sont vos projets littéraires ?
Ils sont multiples, mais déjà une suite des aventures de Norah et un recueil de nouvelles noires seraient un bon début. Pour le reste on verra. Chaque chose en son temps.
Quel est le dernier livre que vous avez lu ?
Lettre à Nour de Rachid Benzine que j’ai eu plaisir à rencontrer au salon du livre de Pamiers. C’est un roman sous forme épistolaire : les échanges entre un père, intellectuel musulman pratiquant un islam plein d’amour et de tolérance, et sa fille partie en Irak avec son mari, un lieutenant de Daesh. C’est bouleversant. À lire absolument.
Yamina Mazzouz
Née en banlieue parisienne, Yamina Mazzouz, 44 ans, a grandi dans un foyer modeste.
Après des études scientifiques et quelques postes dans la formulation cosmétique, elle se réoriente vers les assurances où elle travaille encore maintenant. Une longue maladie l’ayant forcé à l’alitement, elle y voit l’opportunité de s’adonner au rêve qui l’habitait depuis longtemps, à savoir l’écriture.
Passionnée d’une littérature anglaise qui a accompagné son adolescence, elle ose s’aventurer alors sur les pas de Jane Austen et d’Agatha Christie. Après la réussite de son premier roman Du Couscous dans le pudding, elle fait vivre de nouvelles aventures à son personnage de Norah.