Interview d’Olivier Martinelli
Quel est le premier livre que vous vous souvenez avoir lu ?
Enfant, beaucoup de livres sur Napoléon, sur la Seconde Guerre Mondiale. Pour ce qui concerne la littérature, j’ai lu évidemment tous les classiques proposés au lycée avec un ennui profond. Tous ces ouvrages, je me souviens les avoir eus en main. Mais honnêtement, je ne me souviens pas les avoir vraiment lus.
Les deux premiers romans que j’ai vraiment lus, je devrais dire « que j’ai vraiment vécus », ce sont L’attrape-cœurs de Salinger et Rêves de Bunker Hill de John Fante.
Dans quelles circonstances avez-vous écrit votre première nouvelle, votre premier roman ?
Je me suis lancé dans l’écriture de mon premier roman le lendemain de mon deuxième échec à l’obtention de ma licence de mathématiques. Le professeur me recalait pour un demi point et m’obligeait à tripler mon année.
J’ai attaqué cette histoire comme une thérapie un peu violente puisque dès la première scène, ce prof passait sous les roues de ma voiture. Ça m’a pris sept ans pour mettre un point final à ce texte. J’ai fait, en quelque sorte, mon solfège avec ce roman. Il n’a jamais été publié et c’est une très bonne chose.
Pourquoi écrivez-vous ?
Pour devenir riche et célèbre bien sûr.
Mais j’essaie d’y parvenir sans me travestir, en restant honnête.
Pensez-vous qu’il faille être un grand lecteur pour être un bon auteur ?
Oui, bien-sûr. Et il faut avoir quelques obsessions, des écrivains auxquels on a envie de se mesurer.
Vous êtes professeur de math. Étonnant pour un auteur, non ?
J’ai l’impression que ça n’est étonnant qu’en France. Aux États-Unis, personne ne s’étonne que Donald Ray Pollock, l’un de leurs meilleurs auteurs contemporains, ait travaillé 32 ans dans une usine de pâte à papier. En France, la plupart des auteurs publiés ont suivi de grandes études littéraires. Ça leur permet de maîtriser le subjonctif imparfait. Mais ça ne leur garantit pas d’avoir du style et d’écrire de bonnes histoires.
Pour en revenir aux maths, le fait d’en avoir fait mon métier, me permet d’aborder l’écriture avec une réelle envie et un plaisir décuplé.
Selon vous, le rock est-il aussi un mouvement littéraire ?
Non. Par contre je crois qu’il est possible de faire des parallèles entre le style d’un écrivain et la musique qu’il écoute. En 2012, j’ai gagné le Prix des Lecteurs de Deauville avec La nuit ne dure pas face à Hymnes de Lydie Salvayre. Les deux romans parlent de rock mais mon écriture est aux antipodes de celle de Salvayre. Je pense que mon écriture est au service de l’histoire. Chez Salvayre, c’est l’histoire qui sert l’écriture. Dans son livre, elle parle de Jimmy Hendrix. Je sais que je ne vais pas me faire des copains mais Hendrix me barbe. Ces démonstrations techniques, ces solos interminables, me laissent froid. Je suis beaucoup plus admiratif du Velvet Underground, par exemple. Et beaucoup plus touché. Le Velvet ne se sert pas de la musique. Il est plutôt à son service.
Vous qui taquinez des deux, vous sentez-vous mieux dans l’écriture d’une nouvelle ou d’un roman ?
L’écriture d’un roman est plus longue, plus ardue mais la récompense est plus grande. J’éprouve une euphorie quand je mets un point final à un roman que je ne ressens pas pour une nouvelle.
Vous avez dit « Je ne supporte pas les chanteurs « engagés ». La moindre des élégances quand on se veut artiste, c’est la finesse ». Êtes-vous un auteur engagé ?
Je n’aime pas les messages soulignés à gros traits, les chanteurs ou les auteurs qui vous disent pour qui voter. Si je suis un auteur engagé ? Peut-être bien. C’est au lecteur de le dire. C’est à lui de faire le travail.
Quelle est votre actualité littéraire ?
J’ai eu beaucoup de publications cette année.
Deux romans : Quelqu’un à tuer paru en avril 2015 à la Manufacture de Livres, une histoire très noire qui traverse la guerre d’Espagne et Une Légende en septembre 2014 chez E-Fractions Editions, une sorte d’Attrape-cœurs rock’n’roll.
Une novella : L’ombre des années sereines parue en mars 2015 chez Zinc Editions, qui parle d’une ville en train de s’éteindre.
Je serai présent au FIRN, ce week-end pour défendre tous ces titres.
Quel est le dernier livre que vous ayez lu ?
Aucun souvenir de Césarée de Marie-Ange Guillaume.
Un trésor de sensibilité, de drôlerie et surtout une langue qui pétille, un style moderne, pas engoncé dans les conventions littéraires, des trouvailles à chaque paragraphe. Des trucs dont je suis jaloux, parfois, parce qu’elle les a trouvés avant moi.
Je serais très heureux si on lui attribuait le Goncourt, un jour. Mais sincèrement, je crois qu’elle n’a aucune chance. Le Goncourt ne la mérite pas.
Olivier Martinelli
Olivier Martinelli est né en 1967. Il vit à Sète, dans le sud de la France. Il s’est débrouillé comme il a pu avec la littérature jusqu’au jour où il est tombé sur un bouquin de John Fante. Le hasard a bien fait les choses. C’était Rêves de Bunker Hill. Il a réalisé ce jour-là qu’un écrivain pouvait lui parler, toucher son âme avant sa tête.
C’était il y a bien longtemps. Depuis, il éparpille ses textes dans des revues et des recueils collectifs…
Il a aussi publié cinq romans et un recueil de nouvelles.
Photo : Jean-Luc Bertini