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Interview de Cicéron Angledroit

17 Fév 2019

« En allant ailleurs on rencontre toujours quelque chose.

Jacques Brel

Quel est le premier livre que vous vous souvenez avoir lu ?

Sans doute Tintin au Congo offert par mon grand-père et dont je me souviens encore de l’odeur (du bouquin, pas du grand-père).

Qu’apporte, selon vous, l’écriture à un auteur ?

Les rails de la vie sont souvent trop droites et prévisibles. Écrire est un bon moyen de les faire zigzaguer. J’écris à la première personne et, j’y tiens, au présent ce qui m’implique directement et en temps réel dans mes histoires. Mais j’aime bien avancer à tâtons, me faire porter afin de rester le spectateur des évènements qui se déroulent dans mes bouquins.

Vos lectures d’adolescence ont-elles eu un impact sur ce que vous écrivez aujourd’hui ?

Incontestablement, indubitablement mais indéfinissablement. Ainsi, il est certain que mon goût pour la narration au présent et à la première personne me vient de mes lectures addictives de San-Antonio de Frédéric Dard. Mon univers lorgne sur celui, actualisé, de Malet dans son ancrage banlieusard.

Vous écrivez essentiellement des polars qu’on qualifie de rigolos. Comment vous viennent les idées d’intrigues ?

Au fur et à mesure. 🙂

En fait elles ne me viennent pas. Je pars d’une situation, d’un début de dialogue et je laisse faire les personnages. Je ressemble à mes personnages et, notamment, à Cicéron. Je suis donc un opportuniste, faire un plan me fatiguerait plus que me passionnerait. J’aime bien que l’histoire m’échappe même si, arrivé au deux tiers du bouquin, ça me fait un peu flipper. Et, là, l’urgence donne du talent à mes bonshommes.

Comment se sont passés les premiers contacts avec votre éditeur ?

Très bien. Tout s’est fait très vite et comme je suis impatient de nature… Nos contacts sont essentiellement à distance mais la disponibilité et la communication sont sans faille. Par ailleurs le format des livres publiés par Palémon convient tout à fait à mes « ambitions ». Je n’aime pas l’ostentation et j’aime que mes lecteurs en aient pour leur argent. Je suis conscient et je revendique mon côté « roman de gare ».

Qui est Cicéron Angledroit ?

Beaucoup pensent que c’est mon alter-ego fantasmé… Ils n’ont pas forcément tort. Je lui donne la vie, il me donne des pouvoirs que je n’ai pas. Un détective de MA banlieue qui observe comme moi. Un instinctif du boulot qui laisse au temps qui passe la charge de résoudre ses enquêtes. Un mec très ordinaire, anti-héros, pas déglingué, convivial qui est très détaché. Ça lui confère une grande empathie et une absence militante de jugements moraux. Sans a priori il avance même si, lui-même, se refuse à toute discipline. Il a une moralité élastique et vit assez égoïstement, mais modestement, sa vie au sein d’un décor qui l’englobe et le protège.

Vous sortez deux romans par an. Comment arrivez-vous à avoir un tel rythme ?

Sans me forcer. Je ne sais pas si écrire est un besoin ou une nécessité pour moi mais la présence de mes personnages m’aide beaucoup. Comme pour de vieux amis, je n’aime pas rester trop longtemps éloigné d’eux. Je n’ai pas de rituels, j’écris quand ça me vient et où ça me vient. Juste que, pour des raisons de « Word » j’écris toujours sur le même ordinateur que je trimballe un peu partout. Une autre version de traitement de texte que celle que j’utilise me paralyse.

La vie d’auteur est une drôle de vie. Avez-vous une anecdote amusante à nous raconter ?

L’anecdote c’est la vie d’auteur. Tout le reste n’est que littérature. Plus sérieusement, comme pour tous mes confrères, les rencontres (salons, dédicaces) fourmillent d’anecdotes. Les questions « On vous trouve où? » et « Vous êtes là quand? » m’amusent tout en me faisant bien prendre conscience que, sur un stand, les gens voient plus le « commerçant » que l’auteur. Mais il n’y a pas que du rigolo dans cette vie. Les « petites humiliations ordinaires » des gens qui tournent autour de vous, regardent au-dessus, en dessous, à côté, examinent toutes les quatrièmes de couvertures qui vous entourent et ne vous jettent pas un regard…

Quelle est votre actualité littéraire ?

Je suis dans une phase intermédiaire. Le dixième Cicé sort et j’ai un peu l’impression de tourner en rond. Sera-ce le dernier (dans les deux sens du terme) ? Ma relation à mes personnages est ancrée et, je dirais, intime. Va-t-elle continuer à passionner (si on peut parler ainsi) les relatives foules ? Je me suis remis à lire et ça ne m’encourage guère. Mais ça m’a donné l’idée de chroniquer, moi aussi, les livres que je découvre et que j’aime. Des chroniques à ma manière (ou à celle de Cicé), spontanées, écrites à chaud. Vous les retrouverez sur mon site, sous la rubrique « Cicéron lit les autres« .

Quel est le dernier livre que vous ayez lu ?

Sérotonine de Michel Houellebecq, une valeur très sûre mais un peu invalidante quand on se replace dans son contexte. Et justement c’est exactement le genre de livre (très controversé) qui me donne envie d’ouvrir ma bouche et de dire ce que j’en pense. C’est donc, naturellement, l’objet de ma dernière chronique.

Cicéron Angledroit

Cicéron Angledroit

Cicéron Angledroit, alias Claude Picq, est né fin 1953 à Ivry sur Seine (94) et a toujours vécu en banlieue parisienne. Il a été poursuivi, péniblement, par les études (faute de les avoir poursuivies lui-même) jusqu’au Bac et est aussitôt entré dans la vie active par la voie bancaire (secteur qu’il quitte avec joie en 2016). Comme tout un chacun il a fondé une famille, puis une autre. Il traverse son temps avec une forte conscience de sa brièveté et s’étonne chaque jour de la vacuité humaine. Les règles, la hiérarchisation de la société, les croyances sont pour lui autant de notions insondables quand il se replace dans cet univers sans fin et ce temps sans limites qui lui servent de décor.

Très tôt il a eu goût pour la lecture. Notamment les romans. Tout y passait, Céline, Dard, Malet et bien d’autres. Et très tôt aussi il a ressenti le besoin d’écrire. Mais ses velléités littéraires ont été longues à aboutir. Un premier roman en 1994, Les cinq doigts de Dieu, où il règle ses comptes pêle-mêle… Et puis dix autres depuis (Sois zen et tue-le, Nés sous X, Fallait pas écraser la vieille, Riches un jour, morts toujours, Qui père gagne, Hé cool, la Seine, Tout est bon dans l’boulon, Y a toujours un môme qui braille quelque part, Tiens bon l’pinceau, y a des coulures et Tel est pris qui croyait pendre) dans lesquels il utilise l’humour pour exprimer ses quatre vérités sans esprit revanchard (a-t-il une revanche à prendre d’ailleurs ?). Affaire à suivre !

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