Interview de Sophie Herbouiller
Nous méritons toutes nos rencontres. Elles sont attachées à notre destinée et ont une signification qu’il nous appartient de déchiffrer.
Quel est le premier livre que vous vous souvenez avoir lu ?
Le premier livre que je me souviens avoir lu était Oui-Oui et la voiture jaune.
Vous avez écrit votre premier roman, Un bunker à La Baule, à quatre mains. Pourquoi ce choix ?
Un bunker à La Baule, a été effectivement co-signé mais non écrit à quatre mains puisque j’en ai écrit toutes les pages, sans exception.
C’est mon futur ex-mari qui en a fait le scénario (plutôt qu’une trame), ce que je regrette ! Je n’étais absolument pas d’accord avec ses choix et je me suis promis de ne jamais renouveler cette expérience… En fait, cela a été un sujet de discorde entre nous car je ne partageais aucune de ses optiques.
Pensez-vous qu’il faille être un grand lecteur pour être un bon auteur ?
Bien sûr ! Mais « grand » ne signifie pas qu’il faille lire absolument tout le temps : je crois surtout qu’il est important de relire des « Classiques », tels Flaubert ou Maupassant, et de découvrir en parallèle les auteurs contemporains, sans se borner à un genre. Au contraire, la curiosité littéraire doit nous pousser à aller vers des auteurs dits marginaux ou anticonformistes, ainsi que vers des genres qui, a priori, ne nous attirent pas, souvent par ignorance…
Quels sont, pour vous, les plaisirs et les difficultés de l’écriture ?
Ils sont multiples et varient selon les auteurs.
Les plaisirs : celui de créer, d’inventer, d’imaginer et de donner vie à nos personnages ; ce sont des plaisirs inédits et savoureux. D’autant plus qu’ils sont solitaires : j’ai toujours écrit le soir, la nuit, quand la maison était silencieuse ; j’étais la seule éveillée de la maisonnée, face à mon ordinateur, ma trame, et la scène que j’avais à l’esprit. La concentration est essentielle.
Les difficultés : suivre sa trame sans en dévier. Parfois, certains personnages que nous croyons maîtriser ont tendance à essayer de prendre leur indépendance ! Par conséquent, rester vigilant et fidèle à la trame car, sans elle, le roman risque de nous échapper et de partir dans tous les sens.
Comment imaginez-vous vos personnages ?
J’imagine mes personnages en fonction de leur rôle dans la narration.
Mon objectif : les rendre le plus humains possible ; je leur donne des caractéristiques physiques, évidemment, mais surtout des caractéristiques psychologiques, mentales, morales. Et aussi des tics, des tocs, des névroses, des qualités comme des défauts. Le lecteur doit se reconnaître ou reconnaître des personnes de son entourage dans chacun de mes personnages, ou, selon mes critères, je suis passée à côté de mon objectif.
En 2012, vous avez reçu le prix « Auteurs Libres ». Que retenez-vous de cette expérience ?
Ce prix décerné à ma saga familiale contemporaine Mamou roche, m’a beaucoup apporté. D’abord, la reconnaissance de mon lectorat, car c’est lui qui a voté sur Internet parmi une longue liste d’opus. Ensuite, je dois avouer que c’est une expérience étrange que cette reconnaissance et cet enflammement pour mon troisième roman, mon lectorat m’ayant réclamé à corps et à cris une suite. Et, comme l’imagination ne m’a jamais fait défaut, je me suis retrouvée avec une trame si dense que cette saga est devenue, par la force des choses, une quadrilogie. Enfin, un prix littéraire peut susciter chez d’autres auteurs une espèce de jalousie (ou d’envie) qui se traduit par certains comportements verbaux un brin agressifs…
Quel est dans votre bibliographie, le livre dont vous êtes la plus fière ?
Sans conteste, Mamou roche, mais je suis fière de tous et je les aime tous.
La vie d’auteur est une drôle de vie. Avez-vous une anecdote amusante à nous raconter ?
Un jour, en dédicace dans un Espace Culturel, je me présente à une jeune femme qui traînait dans les rayons des romans, un ou deux livres à la main, dans le but de lui en parler. Elle me regarde, stupéfaite, et me demande si j’en suis l’auteure. Je confirme. Elle ouvre des yeux grands comme des soucoupes et s’exclame : « Oh ! Un auteur vivant ! »
Alors, nous éclatons de rire de concert, et elle m’explique : « C’est idiot, hein ? Mais on ne m’a fait étudier que des auteurs décédés… Parlez-moi de votre livre préféré, je ne demande qu’à vous écouter. »
Bilan des courses, je lui en ai dédicacé trois et nous avons beaucoup sympathisé.
Quelle est votre actualité littéraire ?
2019 sera une année sabbatique pour moi, mais j’ai à l’esprit un thriller dont j’ai déjà conçu la trame et écrit certains passages.
Quel est le dernier livre que vous ayez lu ?
J’ai adoré L’Envol du papillon, de Nadine Deconinck-Cabelduc. Il m’a tenue en haleine jusqu’à la fin, et cela devient si rare. Je le conseille fortement. Il s’adresse, selon moi, plus à un lectorat féminin.
Sophie Herbouiller
Enseignante durant 25 ans dans le public, en collège, lycée et lycée professionnel, j’arrivais à un âge où la patience s’émousse, non pas à cause des élèves mais plutôt de la hiérarchie.
De mes trois rêves de jeunesse, j’en avais réalisé deux.
Le troisième : écrire un roman.
J’ai donc pris une retraite anticipée pour m’y atteler.
C’est ainsi qu’Un Bunker à La Baule a vu le jour ; mes deux premiers romans, sans les renier, m’ont servi de tremplin avant Mamou roche, qui m’a fait connaître et a fidélisé mon lectorat.