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Interview de Bernard Minier - Paroles d'auteurs

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Interview de Bernard Minier

4 Juin 2015

uphQuel est le premier livre que vous vous souvenez avoir lu ?

Le premier vrai livre ? Sans doute un livre illustré de la Bibliothèque Verte ou Rouge et Or, des collections qui existaient dans les années 60 : L’Ile au Trésor ou Le Dernier des mohicans, quelque chose comme ça (si j’exclus Robinson Crusoé, lu à voix haute par une maîtresse remplaçante en fin de CE2)… L’amusant, c’est que j’étais autant émerveillé par les textes que par les illustrations, car j’ai toujours aimé dessiner et, enfant, j’étais tout aussi admiratif du talent de l’illustrateur que de celui de Stevenson, de James Fenimore Cooper ou de Jules Vernes !

Dans quelles circonstances avez-vous écrit votre première nouvelle, votre premier roman ?

Ma première nouvelle doit avoir pas loin de quarante ans : autant dire que je ne m’en souviens plus. C’était sans doute une nouvelle fantastique ou de SF : j’en lisais beaucoup dans les années 70 (la nostalgie aidant, je guette les vieux exemplaires de la collection « Le Livre d’or de la S-F » chez les bouquinistes pour retrouver ce parfum-là). Et il est sans doute préférable que je l’aie oubliée : je vois bien un truc assez bancal avec une créature féroce pleine de tentacules et des aventuriers sur une planète hostile et bizarre…

Pourquoi écrivez-vous ?

Parce qu’écrire c’est douter, c’est se battre contre toutes les vérités absolues, tous les conformismes et tous les donneurs de leçons, c’est réviser nos certitudes et questionner le monde. Comme l’a dit Camus : « on étouffe au milieu de ces gens qui sont absolument sûrs d’avoir raison ».

Pensez-vous qu’il faille être un grand lecteur pour être un bon auteur ?

J’en suis même sûr (comme quoi je peux me contredire d’une réponse l’autre !). C’est intéressant, cette question – parce que c’est aussi difficile d’être un bon lecteur qu’un auteur correct. C’est un peu comme la musique : on peut en écouter toute sa vie sans jamais devenir mélomane. Je me souviens des cours de littérature que dispensait Nabokov à l’université Cornell : tout y est. Nabokov laissait les messages aux facteurs. Il disait que, quand on lit, il faut d’abord remarquer et savourer les détails. Qu’il n’y a rien à redire au clair de lune des idées générales lorsqu’il intervient après qu’on a recueilli tous les petits éclats de soleil du livre. En plus d’être un auteur génial, Nabokov était un lecteur aussi intransigeant que lucide. En fin de compte, je crois qu’être un bon lecteur est plus difficile que tout le reste.

Bien qu’un roman soit une juste alchimie des trois, le plus important pour vous c’est l’intrigue, l’ambiance ou les personnages ?

Les personnages, sans la moindre hésitation. Cela ne veut pas dire que le reste est sans importance, bien sûr.

Vos romans sont très cinématographiques. Avez-vous des contacts pour les porter sur petit ou grand écran ?

Oui. Gaumont a acquis les droits de Glacé. Et il est question d’une série télé. Mais je ne suis pas d’accord avec cette formule : mes romans ne sont pas si cinématographiques que ça.

Votre dernier roman, Une Putain d’histoire ne reprend pas les personnages récurrents de vos trois premiers. Vous en aviez marre d’eux ?

Disons que j’avais besoin de m’en éloigner un peu pour mieux les retrouver ensuite : quand vous avez vécu cinq ans avec les mêmes personnages, il est normal d’avoir envie de faire une pause. D’ailleurs, dans N’éteins pas la lumière, Servaz était déjà un peu en retrait. Il va revenir sur le devant de la scène. J’aime beaucoup, par ailleurs, le personnage d’Henry, cet ado fan de films d’horreur, d’orques et de Nirvana dans Une Putain d’Histoire – ce qui ne veut pas dire qu’on va le retrouver.

C’est quoi pour vous une Putain d’histoire ?

Celle qui vous fait prononcer malgré vous le mot en question en refermant le livre ? En ce qui concerne mon roman, c’est simplement lié au langage employé par le narrateur et ce titre a un sens, bien entendu.

Avez-vous en tête la prochaine histoire que vous allez nous raconter ?

Oui. Mais je n’en suis qu’aux prémices. J’avais le pitch de mes trois premiers romans (envoyé du reste avec le manuscrit du premier aux maisons d’édition) dès Glacé. Mais c’est fini. Depuis Une Putain d’histoire, je ne sais pas quel roman j’écrirai ensuite. Enfin, ce n’est pas tout à fait vrai : je sais que Servaz et son « ami » suisse vont revenir, ça oui…

Quel est le dernier livre que vous ayez lu ?

Relu. Howard Bloom, Le Principe de Lucifer, une expédition scientifique dans les forces de l’histoire, un essai fou et génial écrit par un puits d’érudition avec des chapitres comme « Mère Nature, cette chienne sanglante », « L’avidité des gènes », « L’explication connexionniste des rêves de l’esprit collectif » ou « Le caractère remplaçable des mâles ».

La question surprise de David-James Kennedy

Cher Bernard, quels sont, comme ça sans réfléchir, le livre et le film qui t’ont le plus marqués ?

Cher David-James, c’est une question bien difficile. Bien entendu, les expériences littéraires et cinématographiques qu’on fait à l’adolescence et au début de l’âge adulte sont celles qui laissent l’empreinte la plus profonde, car notre cerveau est encore si impressionnable.

Je vais donc citer des films et des livres vus et lus entre dix et vingt ans : j’hésite entre Orange mécanique, 2001 l’Odyssée de l’espace et Apocalypse Now pour le cinéma ; pour les livres, c’est encore plus compliqué, donc je vais n’en citer qu’un, arbitrairement : Malpertuis, du belge Jean Ray, lu quand j’avais douze ou treize ans.

Bernard Minier

Bernard Minier

Bernard Minier grandit au pied des Pyrénées. Son père est professeur près de Montréjeau, où il est élève avant de partir à l’université Paul-Sabatier, à Toulouse. Il se rend ensuite à Paris à l’âge de 23 ans et poursuit une carrière dans les services des douanes.

Parallèlement, il continue à écrire comme il le fait depuis l’âge de 10 sans jamais franchir le pas de la publication. Il participe à des concours de nouvelles et c’est au cours de l’un d’eux qu’il rencontre la personne qui le convainc de terminer un manuscrit qu’il envoie à une poignée de maisons d’édition. Il se voit très vite approché et sollicité.

Ce sont les Éditions XO qui, en 2011, publient son premier roman. Glacé reçoit le prix du meilleur roman francophone au Festival Polar de Cognac 2011, ainsi que le Prix de l’Embouchure 2011 dans le cadre du Festival International Toulouse Polars du Sud 2011.

Son deuxième roman, Le Cercle, publié en octobre 2012, renoue avec les mêmes personnages. Ces deux premiers ouvrages sont vendus à plus de 300.000 exemplaires.

Comme nombre de ses « collègues », il participe en 2013 à l’atypique recueil des Aventures du Concierge Masqué.

En 2014 parait N’éteins pas la lumière, puis, en 2015, il délaisse ses personnages récurrents pour Une Putain d’histoire.

Photo : Bruno Levy

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