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Interview de Jean-Luc Bizien

8 Nov 2015

12165445_10208141961845857_775002791_oQuel est le premier livre que vous vous souvenez avoir lu ?

Le Grand Meaulnes, d’Alain-Fournier et, quasiment en même temps, Alice au pays des merveilles de Lewis Carroll. Je ne sais plus lequel fut le premier, mais ces deux textes m’ont marqué à jamais.

J’avais six ou sept ans, ma grand-mère maternelle venait de me lire l’Iliade et l’Odyssée. On ne s’étonnera plus que je me sois ensuite laissé porter par les littératures de l’imaginaire…

Dans quelles circonstances avez-vous écrit votre première nouvelle, votre premier roman ?

J’étais chaque fois en difficultés… et en territoire étranger.

La première nouvelle, j’étais en classe de 3ème et je passais le Brevet. Écrite quasiment d’une traite, elle devait faire 4 ou 5 copies doubles – peut-être davantage –, au point que je n’ai pas eu le temps de me relire. Étonnamment, je me souviens encore de certains passages. J’avais obtenu une note incroyable… et les encouragements de mes professeurs, à poursuivre des études littéraires.

Le premier vrai roman (on oubliera ici les premières tentatives via le jeu de rôle) a vu le jour à Paris, rue Botzaris où je me suis réfugié chez des amis. J’ai croisé Serge Brussolo, qui m’a invité à essayer d’écrire un roman après avoir découvert Hurlements. Je vais travailler pendant 72 heures, quasiment nuit et jour. Les mots s’enchaînent, les chapitres s’alignent… et je vais ainsi obtenir le premier jet de WonderLandZ qui – salade éditoriale rocambolesque ! –, ne sera pas mon premier roman publié.

Pensez-vous qu’il faille être un grand lecteur pour être un bon auteur ?

Je suis toujours stupéfait par les « auteurs » qui prétendent ne jamais lire. Un peu effrayé, aussi, tant je suis persuadé qu’il faut lire, avant d’écrire. Lire pour se nourrir l’esprit, pour grandir… pour comprendre le monde aussi.

C’est un paradoxe français : dans un pays jugé si « littéraire » par le reste la planète, on apprend à lire mais pas à écrire – là où les anglo-saxons, totalement décomplexés, ont mis en place des ateliers d’écriture depuis des lustres, il ne nous reste qu’à lire les autres et tenter de comprendre comment ils ont fait pour nous émouvoir, nous tenir en haleine, nous passionner avec leurs histoires.

Suis-je un bon auteur ? Je suis en tous cas un lecteur compulsif depuis des lustres.

Me priver de livres serait m’infliger une grande souffrance.

Vous avez commencé par écrire des jeux de rôles. Est-ce une bonne école pour devenir romancier ?

C’est probablement l’une des meilleures, en l’absence de véritable école d’écriture en France (quoique j’ai vu la création récente d’une formation universitaire, dont j’espère qu’elle portera ses fruits).

Le JdR m’a permis d’apprendre, sur le tas, les techniques narratives : comment imposer le rythme, maintenir la tension du récit et la manière de créer quelques effets dont j’essaye de ne pas abuser au fil des pages. Il m’a surtout confronté au TRAVAIL et à la capacité de noircir des pages blanches en un temps record – on nous commandait toujours de nouveaux scénarios pour… l’avant-veille.

Force m’est de constater que le JdR a permis l’éclosion de toute une génération d’auteurs, reconnus aujourd’hui – de Romuald Giulivo à Maxime Chattam, en passant par tant d’autres.

Avez-vous, à vos débuts, approché d’autres auteurs pour leur demander des conseils ?

J’ai eu la chance d’être découvert par Serge Brussolo, qui est pour moi le plus grand écrivain populaire contemporain. Il m’a fait un fabuleux cadeau, en me lisant, en me corrigeant, en me conseillant. J’ai mesuré ma chance : Serge Brussolo m’a appris mon métier, m’a communiqué cette passion de l’écriture. J’essaye aujourd’hui de transmettre « la flamme », chaque fois que l’occasion se présente.

La vie d’auteur est une drôle de vie. Avez-vous une anecdote amusante à nous raconter ?

En France, on a une fâcheuse tendance à enfermer les auteurs dans des cases. Serge Brussolo m’avait, dès le début, encouragé à ne jamais mettre tous mes œufs dans le même panier, à me dépêcher de changer de style, d’ambiance, pour gagner le droit de tout faire et éviter le piège de cette catégorisation à outrance.

J’ai commencé par des albums pour la jeunesse, puis je suis passé à la fantasy pour ados et enfin aux thrillers pour adultes.

Le jour où j’ai publié Marie Joly, chez Sabine Wespeiser a été un tournant : je me suis prouvé que je pouvais aussi écrire un roman de littérature « blanche », et publier chez un éditeur reconnu.

Un libraire de Brive, en me voyant arriver cette année-là (j’allais tous les ans à la Foire du Livre), m’a accueilli avec un vibrant « Ah ! Bizien ! On est embêté : on a reçu un carton de bouquins, mais ça doit être un homonyme ! »

Je ne l’ai pas corrigé. Je me suis contenté de répondre « Ok. Pas grave : les gens ne savent pas, donnez quand même, je vais les dédicacer. »

Il doit toujours être persuadé que je suis une espèce de faussaire, mais à quoi bon en discuter pendant des heures ?

Vous écrivez pour tous les âges et dans tous les styles littéraires. Où vous sentez-vous le mieux ?

J’aime tous les genres – vraiment –, même si j’ai une tendresse particulière pour la fantasy. Pourtant c’est dans le Thriller que j’ai le sentiment de me réaliser pleinement. J’aime sa pulsation, le rythme d’écriture particulier qu’il impose, sa discipline et la possibilité qu’il offre à l’auteur d’aborder tous les sujets, sans exception.

Votre série La Cour des miracles est à mon sens votre plus belle réussite. Retrouverons-nous prochainement Simon Bloomberg dans un quatrième tome ?

Je l’espère, parce que j’aime beaucoup cette série et ses personnages.

Ça ne dépend pas que de moi, hélas. Mea maxima culpa : j’ai laissé La Cour des miracles en sommeil pendant longtemps et il est toujours difficile de relancer un projet dans le petit monde de l’Édition, où tout va très vite et où l’on a une fâcheuse tendance à vous oublier… mais l’envie est là, le quatrième tome est bien avancé et l’histoire est belle.

On verra bien !

Quelle est votre actualité littéraire ?

Le Berceau des ténèbres vient enfin clôturer La Trilogie des ténèbres aux Éditions du Toucan. Je n’avais pas publié depuis quelques années, et je suis particulièrement content de ce roman, que l’on peut lire sans avoir lu les deux précédents (on pourra, ensuite, éprouver l’envie d’en savoir davantage sur les personnages et découvrir les événements qui les ont amenés là, mais ce roman est à part dans la série).

C’est pour moi le plus achevé de la trilogie, le plus personnel.

J’ai deux autres thrillers en cours d’écriture et un projet de série historique. Des romans d’aventure, pour lesquels je suis en train de me documenter. Je cherche l’éditeur qui voudra les défendre dans les meilleures conditions.

Quel est le dernier livre que vous ayez lu ?

Je lis souvent plusieurs livres en même temps, mais jamais dans la « catégorie » pour laquelle je suis en train d’écrire – j’ai trop peur de me laisser influencer, ou de renoncer en cours de chemin.

J’ai lu ces derniers temps Les Enchantements d’Ambremer de Pierre Pevel (Bragelonne), et Où j’ai laissé mon âme, de Jérôme Ferrari (Actes Sud).

Deux textes magnifiques, dont je parlerai en détail sur ma page FaceBook, dédiée à ces lectures qui me nourrissent et me donnent envie de continuer à exercer ce métier.

Jean-Luc Bizien

Jean-Luc Bizien

Jean-Luc Bizien est né en 1963 à Phnom-Penh. Très jeune, il découvre la bande dessinée et le cinéma.

Il débute dans le Jeu de rôle avec Hurlements (1989), puis Chimères (1994, Prix Casus Belli dans les catégories « Meilleure création française » et « Meilleur jeu de l’année »)

Depuis, il écrit dans tous les genres, passant avec bonheur de la littérature blanche (Marie Joly, éditions Sabine Wespieser, 2004) au thriller, de la jeunesse à la fantasy.

Plus de deux millions cinq cent mille exemplaires de ses livres-jeux (collections « Vivez l’Aventure » et « 50 surprises ») ont été vendus par les éditions Gründ, pour lesquelles il a créé la série Justin Case.

Travailleur insatiable, il vient d’achever La Trilogie des ténèbres pour les éditions du Toucan, poursuit la série La Cour des miracles chez 10-18, songe à une nouvelle série de thrillers historiques et rêve d’écrire un roman dont l’action se déroulerait en Corse, où il vit aujourd’hui.

Les œuvres dont il est le plus fier sont cependant ses deux fils, Elric et Adriel, respectivement parus en 1990 et 2005.

Photo : © Les Pictographistes

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