Interview d’Aurélie Wellenstein
Quel est le premier livre que vous vous souvenez avoir lu ?
Le matin des dinosaures de Philippe Ebly. Philippe Ebly était un auteur merveilleux pour la jeunesse. C’est mon meilleur ami qui me l’a fait découvrir, et comme lui, je voulais lire la série des « évadés du temps », notamment l’opus où un personnage se change en tigre-garou ! Hélas, à la bibliothèque, il n’y avait plus que « Les conquérants de l’impossible ». Un peu désabusée, j’ai donc emprunté Le matin des dinosaures (la couverture était hideuse : deux dinosaures d’un vert pomme si flashy qu’on les croirait en plastique se chevauchent mollement). Ça a été le coup de foudre. Mon meilleur ami et moi nous sommes ensuite livrés une guerre « Evadés du temps » contre « Conquérants de l’impossible » pour savoir qui était le meilleur ! On n’a jamais réussi à trancher.
Pensez-vous qu’il faille être un grand lecteur pour être un bon auteur ?
Pour ma part, oui, je le crois, même si cette idée n’est pas forcément très populaire. On aime bien l’idée du génie, à qui tout vient naturellement ; et sans doute en existe-t-il, mais la plupart des auteurs sont sûrement avant tout de gros bosseurs, et lire fait partie de la formation. Cela permet d’enrichir son vocabulaire, de stimuler son imaginaire, ou d’apprendre (même inconsciemment) la « musique » (le rythme des phrases, des dialogues).
Dans quelles circonstances avez-vous écrit votre première histoire ?
J’avais 10 ans, c’était l’été et j’étais en vacances dans une maison en Normandie qui était pourvue d’un formidable grenier. J’ai donc passé mes après-midi dans le grenier à rédiger une histoire de dragon. Elle était écrite à la main dans un cahier de classe à gros carreaux, avec illustrations aux crayons de couleur. J’avais même ajouté le nom d’une maison d’édition sur la couverture pour que ça fasse sérieux. Une vraie merveille d’artisanat qui a dû finir à la poubelle, vu que je ne l’ai jamais retrouvée (pas une grosse perte !!)
Vous avez publié à ce jour une trentaine de nouvelles, dont l’ambiance fait le grand écart entre le très sombre et le loufoque. Quel est le secret d’une bonne nouvelle ?
C’est comme pour les romans, il n’y a pas de recette hélas, ce serait trop simple ! Personnellement, j’aime bien les nouvelles qui démarrent très fort, directement dans l’action, et qui ménagent une chute inattendue. J’apprécie qu’on m’accroche et qu’on me scotche. À vrai dire, dans les nouvelles que j’ai lues, je n’ai jamais été vraiment marquée par des personnages, mais davantage par des ambiances ou des situations.
Comment avez-vous fait connaître vos textes ?
Par les nouvelles, justement. On recommande souvent aux jeunes auteurs de se confronter au format court pour fourbir leurs armes et se faire connaître. Mon premier éditeur, Sortilèges, m’avait repérée via une nouvelle. Mais c’est surtout vrai pour les petits éditeurs, car les plus gros n’attachent aucune importance à ce type de bibliographie, seuls les romans comptent. C’est pourquoi j’ai fini par me détourner des nouvelles pour me consacrer au roman qui est mon format fétiche.
Vous avez sorti trois romans à ce jour chez trois éditeurs différents. Un choix ?
J’ai toujours aimé l’idée de faire carrière chez un seul éditeur, de faire partie d’une « écurie ». Mais j’ai l’impression que de nos jours, c’est de moins en moins la norme. Dans mon cas, c’est aussi lié aux lignes éditoriales : Magnard n’aurait pas pris Le Roi des fauves et Scrineo n’aurait pas pris Chevaux de foudre ; ces deux romans sont assez différents, en fait, et ils ne s’adressent pas forcément aux mêmes lecteurs.
Les animaux ont une grande part dans vos romans. Sont-ils des personnages plus intéressants que les humains ?
Oh, les humains sont très intéressants ! Ils sont cruels, sadiques, ambivalents… On s’ennuierait sans eux ! Dans mes récits, même dans Le Roi des fauves, l’animal est toujours chargé d’une valeur positive (force naturelle, bons instincts, vitalité…) J’ai dû mal à écrire un récit sans animaux. Ils sont ma respiration dans des textes parfois très noirs.
La vie d’auteur est une drôle de vie. Avez-vous une anecdote amusante à nous raconter ?
J’aime rencontrer les enfants lors des séances de dédicaces, car ils sont très directs. Lors d’un des derniers salons que j’ai faits, une fillette vient me voir avec Chevaux de foudre, et me le tend en soupirant d’un air désabusé « ma mère a décrété que j’aimais les chevaux ». J’ai pas pu m’empêcher de rire !
Quelle est votre actualité littéraire ?
Je viens de finir les corrections sur mon quatrième roman, Les Loups chantants, de la fantasy sibérienne. J’espère qu’on pourra le lire en 2016 ! 😉 En matière de salon, je serai aux Halliennales le 10 octobre.
Quel est le dernier livre que vous ayez lu ?
Le Livre des choses perdues, de John Connolly. Énorme coup de cœur ! Un petit garçon qui vient de perdre sa mère bascule dans un monde imaginaire, peuplé de créatures de contes ultra vicieuses. C’est violent, percutant. Ça m’a évoqué Limbo ou Dark Souls par moments. La fin est extraordinaire. Un très grand roman.
Aurélie Wellenstein
À 35 ans, Aurélie Wellenstein partage son temps entre l’écriture et son travail dans un hôpital parisien. Elle a publié une trentaine de nouvelles, dont une sélection a été reprise en recueil, publié chez Présences d’Esprits en 2014. Elle a également publié trois romans consacrés à la relation des hommes avec les animaux, réels ou intérieurs. En 2015 sont parus Le Roi des fauves (ed. Scrineo) et Chevaux de foudre (ed. Magnard).
Pour en savoir plus sur Aurélie Wellenstein : lafilleperchee.com