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Interview de Samantha Bailly

24 Juin 2015

42881_AmeJumelleCV600pxQuel est le premier livre que vous vous souvenez avoir lu ?

Le tout premier ? Je pense que c’était un roman du Club des Cinq… suivi de près par Les malheurs de Sophie, de la comtesse de Ségur !

Dans quelles circonstances avez-vous écrit votre première nouvelle, votre premier roman ?

Le besoin d’écrire remonte à bien loin, comme peuvent en témoigner mes journaux intimes qui datent de l’école primaire. Quand on est enfant, on « se raconte » des histoires, par exemple avec des figurines. C’était le plaisir du jeu, le moment où, en tant qu’enfant, je pouvais prendre le contrôle des événements, tordre la réalité. En grandissant, on sent les regards se poser sur soi et on s’en préoccupe soudain. J’ai alors cessé de raconter les histoires à voix haute, pour les faire vivre par écrit, en silence. Hormis des textes divers, j’ai donc écrit ma première nouvelle vers l’âge de 12 ans, dans le cadre d’un atelier d’écriture au collège. Les romans ont suivi dans la foulée. J’avais l’intuition de plus en plus intense que c’était ce que je devais faire. Il y a quelques temps, en faisant des sauvegardes sur mon disque dur externe, je suis retombée sur un document « Archives » comprenant tous mes textes sauvegardés depuis l’adolescence… Une dizaine de romans inachevés entre mes 12 et mes 14 ans !

Que reste-t-il de votre master de littérature comparée quand vous écrivez ?

Mes études de littérature ne m’ont pas appris à écrire. Durant mon cursus, j’ai bien sûr été irriguée par des classiques, j’ai appris à analyser, commenter, structurer. Mais les études littéraires n’ouvrent pas la porte à l’écriture de fiction, c’est une posture très différente. En revanche, je pense qu’un tel cursus m’a permis de gagner en rigueur, en structure, et a consolidé ma culture générale. J’en garde donc une capacité à échafauder des plans pour mes récits – mais heureusement, pas de la même façon qu’un plan de dissertation !

Pensez-vous qu’il faille être un grand lecteur pour être un bon auteur ?

La corrélation entre les deux me semble évidente, mais j’ajouterai qu’être lecteur, ce n’est pas seulement être lecteur de livres. Nous lisons tous, en permanence, les expressions de nos interlocuteurs, notre environnement, les corps que nous aimons… J’ai l’impression qu’être lecteur, c’est avoir une vision singulière du monde, et être auteur, c’est la partager. Et à ce sujet, je reste persuadée que le regard s’éduque, que nous fonctionnons par imprégnation. Je ne saurais trop conseiller Les livres prennent soin de nous, de Régine Detambel, une ode magnifique à la lecture et à ses effets.

Vous avez travaillé pendant deux ans chez Ubisoft. Pensez-vous que le transmédia storytelling soit l’avenir de la littérature ?

Eric Viennot, spécialiste du transmédia, m’a dit une phrase que j’adore : « Le transmédia, c’est un peu comme le sexe au collège… Tout le monde en parle, mais personne ne sait ce que c’est ! » (Rires) J’ai travaillé dans le jeu vidéo, je suis très sensible à la narration sous diverses formes. Le point commun entre tous ces supports, cela reste bien sûr l’histoire que l’on raconte. Je ne crois pas que le numérique ou d’autres modalités narratives viendront balayer les anciennes. À mon sens, chaque support de narration a ses caractéristiques propres. Une histoire peut être déclinée sous forme de film, de série, de jeu vidéo… tout cela peut cohabiter. Mais je crois que le propre de la littérature, c’est justement qu’elle est dénuée d’images imposées : les images mentales de l’auteur passent par le filtre des mots pour être restituées dans l’esprit du lecteur, selon son propre prisme. Le roman est une exploration des sentiments, des pensées, de l’intériorité des personnages. Une immersion interne que ne permet pas d’autres formes de narration.

Vous allez être la marraine des prochaines Halliennales. Comment appréhendez-vous cette fonction ?

Je suis enchantée de cette proposition, j’espère que je pourrais apporter quelque chose au festival.

Quelle est votre définition de l’imaginaire ?

L’imaginaire est défini comme la résultante de l’imagination d’un individu. Ce qui n’existe pas dans la réalité. J’ai l’impression que les littératures de l’imaginaire se caractérisent par une exacerbation des possibles et la mise en place de symboles.

Vous avez écrit des contes, des nouvelles, de la fantasy, du thriller et j’en passe. Dans quel genre vous sentez-vous le plus à l’aise ?

Vraiment, je n’ai pas de genre de prédilection, chacun appelle simplement des mécanismes mentaux différents. La Fantasy puise davantage dans le symbolisme, la métaphore, l’épique… et les romans ancrés dans la réalité sont une observation quasi ethnologique de ce qui m’entoure.

Je ne me suis jamais réveillée en me disant « Tiens, maintenant, tu vas écrire de la Fantasy » Une histoire vient – sous forme d’idée, d’images, d’alchimie entre plusieurs éléments – et je l’écris. Qu’elle se passe dans notre univers ou un autre importe peu. Je sais que ces publications dans des genres variés peuvent interpeller. En réalité, chacune est un élément de mon projet global d’écriture, qui est le suivant : écrire ce que j’ai envie d’écrire, peu importe la forme, peu importe les cases, et construire un ensemble où de nombreuses thématiques se répondent.

Quelle est votre actualité littéraire ?

2015 a vu la parution du dernier tome de ma trilogie jeunesse de Fantasy Souvenirs Perdus (éditions Syros), intitulé Pluie. En mai 2015 est sorti Nos âmes jumelles (éditions Rageot), un roman réaliste qui n’est pas si loin de l’imaginaire ! Lou et Sonia, deux adolescentes aux personnalités et aux familles opposées, se rencontrent par l’intermédiaire d’un forum et bâtissent ensemble un projet de manga. L’une veut devenir écrivain, l’autre illustratrice. Un chemin semé d’embûches qui les conduira à passer professionnelles ensemble dix ans plus tard, ce qui est indiqué par des flashforward en italique à chaque début de chapitre. C’est le premier tome d’un diptyque qui aborde les rapports au lycée, parfois durs, la vocation artistique, Internet comme moyen de rencontrer un alter ego, les limites du virtuel, l’opposition des modèles familiaux, l’amour aussi bien idéalisé que concrétisé…

Quel est le dernier livre que vous ayez lu ?

Les nourritures affectives, de Boris Cyrulnik.

Samantha Bailly

Samantha Bailly

Samantha Bailly est née en 1988. Son premier roman, Oraisons (éditions Bragelonne), publié alors qu’elle a 19 ans, est salué par le Prix Imaginales des Lycéens en 2011. Détentrice d’un Master en Littérature Comparée et d’un Master professionnel en édition, elle travaille durant deux ans dans une entreprise de jeux vidéo en tant que rédactrice. L’écriture est pour elle un centre autour duquel converge sa curiosité intellectuelle et son désir de création.

Auteur de romans de Fantasy, de romans contemporains, de contes, elle navigue entre tous les genres qui interpellent son imaginaire. Aujourd’hui, elle vit à Paris et se consacre pleinement à sa passion.

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