Interview de Nicolas Skinner
Quel est le premier livre que vous vous souvenez avoir lu ?
Je me souviens d’un recueil des Fables de La Fontaine illustré, que j’avais trouvé chez mes grands-parents. Alors que je savais à peine lire, j’essayais de décrypter le texte en deux temps : d’abord comprendre les mots, puis le sens de la fable. Heureusement, mes grand-parents m’aidaient…
Pensez-vous qu’il faille être un grand lecteur pour être un bon auteur ?
J’aimerais répondre que non, mais ce serait mentir. Je pense qu’avant d’essayer de maîtriser un art, il faut bien le connaître. En d’autres termes : s’imprégner de la théorie avant de passer à la pratique.
Lire permet notamment de repérer des astuces narratives, de stimuler son imagination, d’acquérir du vocabulaire, de comprendre les clés d’une description immersive ou d’un personnage crédible. L’écrasante majorité des auteurs que je connais lit d’ailleurs beaucoup.
Je laisserai le maître Stephen King conclure sur la question : « If you don’t have time to read, you don’t have the time (or the tools) to write. Simple as that« .
Les voyages forment-ils les auteurs ?
Sans être une obligation, je suis convaincu que voyager est un plus pour écrire. Connaître de nouvelles cultures, découvrir de nouveaux environnements, rencontrer de nouvelles personnes : tout ceci permet d’appréhender de nouveaux points de vue, de confronter sa vision des choses, de relativiser certaines idées reçues.
En ce qui concerne l’écriture, cela permet d’avoir de nouvelles idées de lieux, de personnages, d’intrigues et de descriptions. Et, en bonus, on récolte des anecdotes pouvant alimenter un roman, le faisant sonner plus vrai puisqu’elles sont réelles.
Avez-vous des habitudes d’écriture ?
Au moins une : j’écris toujours les écouteurs vissés sur les oreilles. La musique est un bon moyen de se couper du monde réel et de pénétrer dans celui de son imaginaire.
Sinon, j’ai remarqué que j’étais plus productif le soir, donc je privilégie ce moment de la journée pour écrire.
Avez-vous été surpris/déçu par vos premiers contacts avec un éditeur ?
Avant d’arpenter les chemins tumultueux de l’édition, j’ai eu le réflexe de me renseigner sur ce milieu, grâce à des articles internet, mais aussi grâce aux retours d’expérience que j’ai pu glaner dans certains forums littéraires, comme l’excellent forum Jeunes Écrivains qui a une section entière dédiée à l’édition.
Ainsi, je savais à quoi m’attendre, et j’ai directement restreint ma recherche aux maisons d’éditions à compte d’éditeur qui publient principalement de la littérature de l’imaginaire. J’ai eu de la chance avec Nats Editions, car l’éditrice est passionnée et sérieuse.
Le plus dur, au final, fut l’angoissante période d’attente, une fois les tapuscrits envoyés.
La vie d’auteur est une drôle de vie. Avez-vous une anecdote amusante à nous raconter ?
Cette année, lors d’un salon, je me souviens d’une fille qui regardait les livres de ma maison d’édition. J’engage la conversation avec elle, lui demande si elle souhaite que je lui présente mon roman. Elle est d’accord, mais m’écoute d’un air distrait, sans poser la moindre question ni donner signe d’un quelconque intérêt. Je pense qu’elle n’est pas intéressée, mais je poursuis néanmoins mes explications. À la fin, elle se contente de m’annoncer d’une petite voix : « Ok, je le prends« . Un peu surpris, je lui dédicace l’exemplaire avec plaisir et lui souhaite une agréable lecture. Et, environ une heure plus tard, elle revient me voir et me demande : « Je peux prendre une photo avec vous ?« … J’ai trouvé ça adorable !
Votre premier roman, Noire Neige, est ce qu’on appelle de la dark fantasy. Pouvez-vous nous expliquer les codes du genre ?
En général, on n’y retrouve pas les créatures classiques de la fantasy, à savoir elfes, orques, nains, etc. Les personnages s’éloignent également du schéma manichéen récurrent en fantasy. Ici, point de héros testostéroné qui sauve le monde face à un magicien noir qui rêve de le conquérir. Les personnages sont beaucoup plus ambivalents, ont tous leur part sombre, et peuvent remettre en question les notions de bien et de mal. Ils sont aussi souvent nombreux.
La dark fantasy est également un genre assez réaliste, dans le sens où un soin particulier est apporté à la mise en place d’un univers crédible, où l’on se concentre sur les interactions entre personnages humains, et où les éléments fantastiques (magie, créatures, etc.) sont en trame de fond plutôt que sur le devant de la scène.
Enfin, l’ambiance est noire et oppressante. Les combats et autres scènes violentes sont décrits dans le détail, parfois proche de l’horreur. Cependant, toujours dans cette idée de réalisme, ces scènes sanglantes sont issues du développement de l’histoire et des choix souvent lourds de conséquences que font les personnages, qui se retrouvent dépassés par les évènements.
Une série très célèbre et moderne qui respecte ces codes est bien sûr le Trône de Fer de George RR Martin, tandis que le maître fondateur de la dark fantasy demeure HP Lovecraft.
Pouvez-vous nous en dire plus sur votre roman ?
Il s’agit d’un roman purement ancré dans le genre dark fantasy tel que je le décris ci-dessus.
L’histoire se déroule dans un royaume insulaire, Isulgaar, qu’un cataclysme a dévasté.
Le Nord de l’île prospère grâce à un nouveau roi autoritaire, alors que la famine guette le Sud, livré à lui-même.
Entre eux, le centre de l’île est devenu une terre de pillards et de hors-la-loi.
Tandis qu’au Sud, la haine de ce roi qui les a délaissés attise les tensions et les velléités de conquête, au Nord se profile un complot machiavélique qui risque de bouleverser l’échiquier politique du royaume. Mais ni le Sud ni le Nord ne se doutent que l’apparition d’une mystérieuse neige noire pourrait bien marquer la renaissance d’Isulgaar… ou plonger l’île dans les ténèbres.
Avez-vous déjà en tête le thème de votre prochain roman ?
Oui, mon prochain roman s’appellera Noire Mer et devrait sortir en février 2016.
Noire Mer sera la suite de Noire Neige et son histoire se déroulera treize ans après, toujours sur l’île d’Isulgaar. On retrouvera bien sûr les personnages du premier opus, afin de voir ce qu’ils sont devenus, tandis que de nouveaux venus feront leur apparition.
Concernant l’intrigue, je ne peux pas trop en dévoiler pour l’instant, mais je peux affirmer qu’à l’instar de Noire Neige, il y aura des complots insidieux, des voyages épiques et de la violence sanglante. Sinon, vous l’aurez deviné vu le titre, il se pourrait bien que de mystérieux navires voguant sur des flots sombres fassent leur apparition…
Quel est le dernier livre que vous ayez lu ?
Renégat, de David Gemmel, toujours en cours de lecture. C’est le premier de l’auteur que je lis. J’accroche bien à l’histoire, mais j’avoue être surpris par le dépouillement des descriptions, ce qui freine quelque peu mon immersion dans son univers… D’autant plus que ma lecture précédente fut un roman de JP Jarowski, avec le style fouillé et le sens du détail qu’on lui connait. Le contraste est frappant !
Nicolas Skinner
Âgé de 30 ans, Nicolas Skinner est un ingénieur breton parti à la découverte du monde et en particulier de l’Asie.
C’est lors de son long séjour en Chine qu’il rédige Noire Neige, son premier roman de dark fantasy. L’empire du milieu était un environnement inspirant, riche en rencontres, et nécessitant une certaine ouverture d’esprit pour comprendre et apprécier cette culture plusieurs fois millénaire et si différente de la nôtre.
De retour en terre natale depuis deux ans, à Quimper, il décide d’arpenter les chemins tumultueux de l’édition. Une maison à compte d’éditeur choisit de lui donner sa chance : Nats Éditions.