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Interview de l’Odieux Connard

21 Oct 2015

Quel est le premier livre que vous avez trouvé mauvais ?

Difficile de donner un nom, cela commence à remonter. Dès ma plus tendre enfance, j’ai eu l’impression que certains auteurs tentaient de s’en prendre à mes neurones. Tout ce que je peux vous dire, c’est que si Maurice Druon est souvent cité pour ses Rois Maudits, on parle beaucoup moins de lui pour Tistou les pouces verts. Pas sûr que ça inspire un autre Game of Thrones.

Pensez-vous qu’être un grand blogueur aide à devenir un bon auteur ?

Vous devriez poser la question à un grand blogueur, j’imagine qu’il en saurait plus.

Sinon, je pense qu’il ne faut pas opposer blogueur et auteur, puisque ce n’est qu’une question de support. Les deux écrivent avec un clavier (enfin, j’espère !), la question d’imprimer le document final ou de le mettre en ligne est finalement très secondaire. La vraie différence se fait plutôt sur le format (on fait rarement un article de 500 pages sur un blog), mais même un auteur au sens classique peut se retrouver le bec dans l’eau le jour où lui qui écrivait des nouvelles se retrouve à se lancer dans un roman, parce qu’il a du mal à construire l’intrigue, etc. Mais écrire, que ce soit sur un blog, sur du papier ou sur des tablettes de marbre, cela aide, oui, comme tout exercice d’écriture. Je dirais même que l’avantage du blog, c’est qu’il permet un retour du public, qui peut souligner des fautes récurrentes et donc, permettre de s’améliorer.

Le blog est-il l’avenir de l’écriture ?

Au sens qu’il participera à l’avenir, oui. Mais il ne supplantera pas les autres supports, et heureusement !

Les blogs permettent aux éditeurs de repérer de potentielles « plumes » sur internet. La confrontation avec le public, c’est l’épreuve du feu. Avant, il était difficile de se faire connaître sans d’abord parvenir à charmer un comité de lecture. À présent, l’auteur peut se construire une légitimité directement avec son public. Un peu comme des musiciens qui se donnent en concert et se font une petite réputation, attirent à chaque fois plus de monde… le blog, c’est une représentation en public, de la lecture pour qui veut en profiter.

Le blog ne sera jamais, je l’espère, un outil obligatoire pour réussir du genre « Tu n’as pas de blog ? Dégage ! ». Mais c’est un excellent endroit pour s’exercer, montrer ce que l’on fait, et pourquoi pas, se faire connaître.

Du coup, le blog sera présent dans l’avenir de l’écriture… et en réalité, est déjà là !

Vous avez sorti en juin dernier L’Odieux Connard – Qu’il est bon d’être mauvais. Qu’y trouve-t-on au fil des pages ?

De la qualité mon bon Monsieur ! Quoi d’autre ?

Pour la petite histoire, et puisque l’on parlait plus haut du rapport blogs/éditeurs, je ne voulais pas tomber dans la démarche commerciale du « On édite le blog en papier tel quel, allez, salut ! » avant de compter les sous. Déjà, parce que ça ne m’intéressait pas (enfin les sous, si, mon lectorat me connait) et que je voulais faire un livre qui vaille le coup, même en connaissant le blog. Ensuite, parce qu’à l’heure de Youtube et des tweets, j’ai un lectorat qui lit des articles particulièrement longs qui souvent dépassent les 10 000 mots. Bref, un lectorat pas si commun sur internet ! Autant vous dire que pour le rouler, il faut se lever tôt. Et quand bien même j’aurais voulu éditer le blog tel quel… en moins de 300 pages format poche, je n’aurais pu caser que 5 articles cinéma par exemple. 5, pas plus

Du coup, qu’a-t-on fait, et que trouve-ton dedans ?

Des articles de quelques pages se moquant du cinéma, de la société, de l’enseignement, des méthodes de séduction sur internet, de la culture… un tiers d’entre eux reprennent des choses parues sur le blog, parce que bon, il y avait des incontournables quand même (comme la page Facebook d’Hitler ou l’article expliquant que le chat n’est rien d’autre qu’un rejeton de Satan), et deux tiers d’inédits. On y répond à de grandes questions : faut-il coucher le premier soir ? Que fument les pédagogues ? La SNCF est-elle en réalité un complot ?

Bref, de petits articles à picorer pour les gens de goût & de cynisme. Bonne dégustation.

Comment ce sont passés vos premiers contacts avec votre éditeur ?

Bien ! (il me lit, si je dis le contraire, il envoie des gens frapper à ma porte, puis sur mon museau je… aidez-moi !).

Non, plus sérieusement, très bien. Dès les premiers contacts, il y avait un enthousiasme certain et une grande liberté pour me laisser faire ce que j’avais envie de faire. Ma pauvre éditrice s’est ainsi faite traiter « d’odieuse connasse » par ses équipes, mais non seulement elle a parfaitement assumé, mais en plus, elle m’a soutenu même dans mes calembours les plus honteux. Ce n’est pas chez tous les éditeurs que l’on a des débats très sérieux sur telle ou telle blague scatophile ou faisant référence à de petits dictateurs moustachus.

Comment survivre au monde hostile de l’édition ?

J’ai un secret : j’ai une agent, la fondatrice de l’Agence des Livres Électriques.

Non seulement parce que ça fait très classe de le dire en soirée, mais surtout, parce que ce métier encore peu implanté en France alors que très présent chez nos voisins anglo-saxons est une arme secrète redoutable. Non seulement l’agent démarche pour vous (et comme c’est son milieu naturel, c’est fort pratique !), mais en plus, il s’occupe de vous représenter, défendre, de relire vos textes, de vous conseiller, de répondre à vos questions, d’inspecter tous les contrats, de les négocier ou renégocier… de manière intéressante, tous les éditeurs n’aiment pas les agents. J’imagine que c’est parce qu’ils n’ont pas forcément l’habitude, mais aussi, parce que l’agent… il est chiant, puisqu’il va négocier ! Satan !

J’ai donc rencontré les deux extrêmes. Des éditeurs qui m’ont dit ne pas bosser avec les agents, jamais, que ce n’était pas négociable, pas plus que le contrat, que j’étais un petit blogueur qui devrait être assez content qu’on se penche sur lui, donc je signais là, et merci bonsoir, et des éditeurs comme le mien qui m’ont dit au contraire aimer les agents, puisque du coup, ils ont quelqu’un avec qui négocier, et comme ce n’est pas l’auteur, ça permet bien de distinguer création et négociation, et de travailler dans une bien meilleure ambiance.

Étant un ancien patron, autant vous dire que quand quelqu’un me dit que rien n’est négociable, que le contrat est comme ça et que l’inspecter serait un manque de confiance, j’ai tendance à arrêter l’entretien peu après. A contrario, quand j’entends un éditeur dire qu’il compte bien travailler en bonne intelligence et être clair de A à Z, il part tout de suite avec des points en plus.

Si vous avez l’occasion : prenez un agent. Ce n’est pas que le monde de l’édition soit hostile. C’est que comme tout secteur, il a ses rouages et ses réseaux. Tout le monde trouve normal de demander conseil à un avocat alors que « nul n’est censé ignorer la loi ». Alors pourquoi ne pas demander conseil à un agent dans un monde dont vous ne connaissez pas tout ?

Est-ce que spoiler, c’est tromper ?

Il faut croire que non, puisque j’ai des lecteurs assez masochistes pour non seulement s’infliger le spoiler, mais ensuite aller au cinéma au prétexte que « ça a l’air incroyablement nul, je veux vérifier par moi-même ! ».

Et ils s’aperçoivent que je ne les ai pas trompés. Pire, que souvent, j’ai été sympa.

La vie de blogueur est une drôle de vie. Avez-vous une anecdote amusante à nous raconter ?

Il ne faut jamais me lancer sur les anecdotes. Jamais.

Prenons-en une qui date un peu : alors que j’étais un vil patron, un jour je me retrouve autour d’une table en réunion commerciale avec un client. On parle, on parle, et l’ambiance étant détendue, le client part sur le cinéma et évoque Prométhéus. Je lève un sourcil et lui recommande de ne pas me lancer dessus, sinon nous en avons pour des heures. Ce à quoi le client me répond « Ah ben alors j’ai un blog à vous recommander, ça s’appelle l’Odieux Connard et… »

Autant vous dire que je me suis enfoncé dans mon fauteuil avec un sourire pédant.

Pouvez-vous nous parler de À la Vie, à la guerre ?

Oui !

À la Vie, à la guerre, c’est un roman au jour le jour durant la Première Guerre mondiale que j’ai écrit du 28 juin 2014 au 1er juillet 2015, racontant, jour après jour et avec un siècle d’écart, la Première Guerre mondiale vue au travers des yeux de soldats, de civils, d’aviateurs, d’infirmières, que ce soit au front ou à l’arrière, que les personnages soient français, anglais, allemands, américains, belges… L’idée était non pas de raconter la guerre de manière historique, mais de la raconter vue par les yeux de ceux qui l’ont vécue, à hauteur d’homme. Ce sont des vies qui basculent du jour au lendemain, des gens qui combattant dans des batailles sans même savoir si elles ont un nom ou vont changer la guerre, la guerre vécue au rythme des journaux, des lettres…

C’est aussi l’occasion de se pencher, justement, sur les aspects méconnus de la guerre. Rappeler qu’au début du conflit, les avions n’étaient pas armés. Qu’il n’y avait pas de tranchées, qu’il a bien fallu creuser la première ! De parler de ce qu’il se passait : les petits arrangements, la drogue, la prostitution… de présenter une même bataille vue par un soldat dans le feu de l’action, puis par un cadre du ministère qui en reçoit le rapport. Et de taper sur pas mal de préjugés : si, les riches ont participé à la guerre, et oui, y sont morts ! Le ministre de la guerre au moment de la déclaration y part lui-même. Des députés aussi. Au front, on retrouve des bourgeois comme des paysans, de vieux nobles comme des criminels de bas-étages… bref.

Le personnage principal, Antoine Drouot, raconte sa guerre, au sein du 24e d’infanterie, le « régiment de Paris », et tout ce qu’il y voit. Une fois par semaine, il a donc la parole, les autres jours, ce sont d’autres personnages qui entrent en scène, et souvent se croisent, s’allient, ou même s’entretuent. Personne n’est immortel, pas même Antoine,

Le journal d’Antoine (une fois par semaine, donc), était payant jusqu’à la fin du premier semestre de parution (une intégrale est disponible). Tout le reste est gratuit, y compris les journaux d’Antoine du second semestre !

J’ai pris la décision de mettre en pause le projet au 1er juillet 2015, après un an de récit, pour mieux essayer de passer du numérique au papier, ce qui était largement réclamé. Pour cela, il faut du temps, retravailler la forme, préparer la suite, trouver un éditeur… et faire tout cela tout en continuant le temps réel était impossible.

J’attends donc avec impatience de pouvoir poursuivre l’aventure et de proposer la suite aux lecteurs : nous n’en sommes qu’en 1915… il y a encore bien des choses à raconter !

Quel est le dernier livre que vous avez eu honte d’aimer ?

Le mien.

Enfin, on me dit que je devrais avoir honte. Mais mon gros ego s’en moque, alors !

 

L'Odieux Connard

L'Odieux Connard

L’Odieux Connard est un être maléfique mais terriblement attachant que l’on reconnaît à sa cravate rouge, à son verre de brandy, et à son cynisme de très bonne qualité.

Pour en savoir plus sur l’Odieux Connard : unodieuxconnard.com

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