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Interview de Ludovic Miserole

3 Mar 2019

L’homme de l’avenir est celui qui aura la mémoire la plus longue.

Friedrich Nietzsche

Quel est le premier livre que vous vous souvenez avoir lu ?

Je crois que j’étais en 6ème. Je découvrais les joies du CDI, cette caverne d’Ali baba ! J’étais fasciné par l’antiquité. Je me souviens avoir hésité entre un livre sur la naissance de Rome et L’Iliade et l’Odyssée. Je regardais Ulysse 31 tous les soirs à l’époque (comme quoi la télé peut parfois amener aux classiques). Je ne sais plus très bien lequel avoir pris en premier, mais en tout cas je les ai tous lus.

Vous utilisez l’Histoire pour raconter vos histoires. Pourquoi ce choix ?

D’aussi loin que je me souvienne, je crois avoir toujours aimé l’Histoire. Je regardais Alain Decaux à la télé, je lisais ses livres et ceux d’André Castelot. Au Lycée, j’ai eu la chance d’avoir un professeur, monsieur Cléret, qui nous racontait l’Histoire par des anecdotes. Il la rendait vivante, concrète. Louis XIV n’était plus ce monarque en perruque figé sur un tableau, il prenait vie devant nos yeux. À la manière d’un Gosselin Lenotre, le Pape de la Petite Histoire, ce professeur nous racontait la grande Histoire par les coulisses. Je crois que c’est à ce moment-là que tout s’est joué. J’étais en seconde, je devais avoir 15 ans.

Au fil des années, j’avais le sentiment de lire toujours les mêmes livres sur les mêmes personnages. Des ouvrages sur Louis XVI, Jeanne d’Arc, César ou Cléopâtre, il en existait des dizaines. Je voulais à nouveau entrer dans les coulisses, connaître d’autres destins. On ne pouvait pas résumer l’Histoire aux seules têtes d’affiche. Des gens du peuple avaient vécu eux aussi les grands évènements et de grandes choses. Je voulais raconter l’histoire de ces oubliés. Et un jour, dans une biographie sur la reine Marie-Antoinette, j’ai croisé furtivement Rosalie Lamorlière. Ce fût un coup de foudre. Mon aventure littéraire a commencé grâce à elle.

Quelle est la part de recherche dans l’écriture d’un roman ?

Cette part est énorme. Mes livres ont beau être des romans, ils racontent l’histoire de personnes ayant réellement existé dans des époques sur lesquelles il me faut me documenter. Je me rends aux archives nationales, départementales, celles de la police, de l’assistance publique, à la bibliothèque nationale. Un document m’emmène sur une piste qu’il faut explorer, exploiter. C’est un véritable travail d’enquêteur. Je fais parler les vieux papiers. Pour exhumer ces destins oubliés, il faut du temps, mais aussi ne jamais se décourager. À titre d’exemple, pour mon livre sur Rosalie Lamorlière, il m’a fallu 9 ans afin d’être en mesure de raconter l’histoire de cette femme qui ne savait ni lire ni écrire. Je parcours la France entière à la recherche d’une piste qui me permettra d’avancer. Je visite les lieux, contemple les paysages en les comparant à d’anciennes cartes. À la fin de mon livre sur Zamor, lorsque je relate l’entretien de l’historien Charles Vatel avec l’ancienne logeuse du vieil esclave et que j’écris qu’il fait cent pas du début de la rue Maître-Albert jusqu’à la maison où vécut Zamor, c’est que j’étais là-bas et que ces pas, je les ai comptés. Tout comme je me suis rendu à Arcueil afin de voir la maison dans laquelle cette jeune femme fut séquestrée par le marquis de Sade.

Pour vous, la vérité historique passe-t-elle au-dessus de tout dans l’écriture ?

C’est indéniable ! C’est très contraignant, mais pour être au plus près de la vérité, c’est une obligation. Je le dois à ces personnes dont je raconte l’histoire. Je les sors de l’oubli, je ne peux les trahir, ni eux, ni mes lecteurs. J’ai peut-être pourtant un peu trop le souci du détail. À titre d’exemple, j’ai découvert qu’à la mort de Zamor, le peu d’affaires qu’il avait été vendu aux enchères. À la fin de mon livre, des personnes assistent à cette vente. Les prix donnés sont réellement ceux auxquels les effets de Zamor ont été adjugés. Parfois, pour un détail qui ne prend qu’une ligne dans le livre, il m’a fallu des semaines de recherches. Mais j’adore ça.

La vie d’auteur est une drôle de vie. Avez-vous une anecdote amusante à nous raconter ?

Lors d’un salon du livre l’année dernière, une jeune femme s’approche de moi et me demande, l’air mutin, si je pratique le SM. J’avoue qu’il m’a fallu un instant avant de lui demander la raison de cette question. « Ben, pour écrire sur Sade… ». J’ai ri et je lui ai dit que Stéphane Bourgoin écrivait d’excellents livres sur les serial killers, mais qu’à ma connaissance il n’était pas un assassin.

Que peut-on trouver dans vos tiroirs d’écrivain ?

Des crayons, mon agenda et des quantités incroyables de bristols avec des idées de personnages sur lesquels je travaillerai peut-être un jour.

Quelle est votre actualité littéraire ?

En septembre dernier est sorti L’Affaire Rose Keller, le premier volet de ma trilogie consacrée aux affaires criminelles du marquis de Sade. Une trilogie où je fais la part belle aux victimes de Sade et à toutes ces femmes (parfois de sa famille) qui l’ont côtoyé et dont les vies ont été marquées à jamais par cet homme. En avril prochain, Les Filles du Panier, le deuxième tome, nous emmènera à Marseille.

Des projets ?

Terminer l’écriture du dernier volet de la trilogie pour ensuite m’envoler vers une destination lointaine et une époque plus récente pour un livre que je muri depuis bientôt un an.

Quel est le dernier livre que vous ayez lu ?

Je viens de terminer Bakhita de Véronique Olmi, un livre bouleversant, et j’ai commencé Apocryphe de René Manzor.

Ludovic Miserole

Ludovic Miserole

Passionné d’histoire, Ludovic Miserole s’est fait une spécialité de nous raconter le destin des petits personnages dont personne ne parle. Des hommes, des femmes qui ont vécu au plus près de grands évènements à l’instar de Rosalie Lamorlière qui servit Marie-Antoinette à la Conciergerie, ou encore Zamor, le page de Madame du Barry qui jouera un rôle non négligeable dans sa montée à l’échafaud.

Avec son dernier roman, L’Affaire Rose Keller, il nous propose de partir à la rencontre d’une femme qui eût le malheur de croiser la route du Marquis de Sade.

Basés sur un travail minutieux en archives, ses ouvrages ont attisé la curiosité et ont ainsi été salués notamment sur LCI et France 5.

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