Interview de Romain Godest
Quel est le premier livre que vous vous souvenez avoir lu ?
Au risque de faire cliché pour un Breton, il s’agit de La légende de la mort d’Anatole Le Braz. J’avais alors dix-huit ans et je faisais une escale technique à Lorient sur un navire de la Marine. Oui, c’est tard, mais je n’étais pas réellement un élève très studieux et mes notes en Français s’en ressentaient.
Dans quelles circonstances avez-vous écrit votre premier roman ?
Je me suis lancé en 2008, en pleine nuit, à 03h00 du matin exactement. Je m’en souviens parfaitement, car je quittais un quart de nuit au centre de sauvetage en mer de la pointe finistérienne. Je vivais ce qu’on appelle « une mauvaise passe » et nécessitait un exutoire. Les premières lignes du Sort de Gaia virent alors le jour et, depuis, je ne me suis jamais arrêté.
Pourquoi écrivez-vous ?
Comme dit plus haut, l’écriture reste un excellent moyen de libérer son âme et ce, qu’on écrive des romans ou qu’on griffonne quelques notes sur une feuille blanche. Toutefois, c’est l’envie de partager mon imaginaire qui me pousse à écrire. La société nous force à voir le monde plus sombre qu’il ne l’est. La télévision, le web et la presse papier regorgent d’informations négatives au grand dam de la bonté et de la beauté. Avec la littérature de l’imaginaire, les gens peuvent s’évader, rêver, espérer.
Lorsqu’un auteur parvient à faire rêver les lecteurs, le pari est gagné.
Pensez-vous qu’il faille être un grand lecteur pour être un bon auteur ?
La lecture demeure importante, car elle enrichit le vocabulaire et l’imaginaire des auteurs, mais je ne pense pas qu’il faille être un grand lecteur pour autant. Il faut éviter de se comparer les uns les autres et c’est ce que font beaucoup d’écrivains. Un romancier doit trouver sa plume et je doute qu’il la trouve dans les écrits de ses confrères. Malgré tout, comme le dit Stephen King dans son livre sur l’écriture, je reste surpris d’entendre certains auteurs avancer qu’ils n’ont jamais le temps de lire.
Au final, je pense que lecture et écriture restent complémentaires, mais chacun sa passion.
Un livre peut-il changer la vie du lecteur ?
Personnellement, oui ! Deux livres ont changé ma vie et, étonnamment, aucun d’eux n’appartient à la littérature de l’imaginaire. Le premier est 20000 lieues sous les mers. Je sais, Jules Verne est considéré comme le père du steampunk et donc lié au fantastique, mais je le conçois autrement dans mon esprit. Le personnage du capitaine Nemo m’a bouleversé. Ses motivations, ses actes assumés, son charisme, sa détermination, tous ces traits de caractère font de lui un être exceptionnel que je considère comme la référence des personnages de fiction.
Le second est Musashi : La pierre et le sabre et La parfaite lumière, une romance de la vie du samurai Miaymoto Musashi.
Vous avez auto-édités vos premiers romans. Choix ou obligation ?
Les deux à la fois. J’ai commencé par écrire des scénarios de bande dessinée, j’avais même eu la chance de rencontrer le directeur éditorial de chez Glénat que mon projet intéressait. C’est finalement tombé à l’eau.
C’est après cette rencontre que je me suis lancé dans l’écriture et ai décidé des années plus tard de m’auto-éditer. Je trouvais le système très intéressant. Si on souhaite le faire sérieusement, cela demande un travail considérable, mais l’autoédition a ses limites et je pense qu’elle vient de les atteindre. Amazon, incontournable pour les auteurs indépendants, change son fusil d’épaule avec la rubrique « indés », un avant-goût d’édition, et les auto-édités vont perdre en visibilité.
Vous êtes marin et auteur. Existe-t-il des points communs entre vos deux activités ?
Bien sûr. Comme on dit chez moi, j’ai du sel dans les veines. L’univers maritime peuple systématiquement mes écrits, car c’est mon héritage. Dans ma famille, nous sommes marins de père en fils et la mer est mon point de repère lorsque j’écris un roman.
La Fantasy est votre genre de prédilection. Pourquoi ce choix ?
Depuis que je suis enfant, j’imagine toujours plein de choses. J’ai été bercé entre la mer costarmoricaine et la forêt d’Huelgoat. C’est presque impossible d’y échapper.
Ce que j’apprécie dans la fantasy, c’est la liberté. Mais il faut malgré tout faire attention à la cohérence du récit, des peuples, des langages, des modes de vie. Écrire de la fantasy s’avère plus difficile qu’on ne le pense. De plus, outre l’aspect riche en couleurs et découvertes, il est possible de faire passer des messages forts, d’exposer ses convictions. Le tout est d’être subtil.
Quelle est votre actualité littéraire ?
Mon dernier roman est sorti en avril. il s’agit du premier tome d’une trilogie fantastique celte aux Éditions Ouest France intitulée La Légende de Kaelig Morvan. Le tome 2 sortira au mois de mai. Le troisième et dernier volume sortira en 2016.
Cette même année, je publierai La Légende d’Argan, un diptyque de piraterie celte aux Éditions des montagnes noires, le premier tome en janvier et le second en juillet.
J’ai également d’autres projets avec d’autres éditeurs, mais rien n’est encore signé, alors je passerai sous silence ces futures publications.
Enfin, je prépare une longue saga d’heroic fantasy (6 ou 7 tomes). Lorsque j’aurai écrit les trois premiers tomes, je la soumettrai à un éditeur.
Quel est le dernier livre que vous ayez lu ?
Druiz de Pascal Lamour et Brucero. Il s’agit d’un roman graphique celte. C’est magique et planant. C’est d’ailleurs Brucero qui réalise les couvertures de La Légende de Kaelig Morvan.
Romain Godest
Romain Godest est un auteur passionné par les mondes imaginaires, la fantasmagorie et la mer. Bercé par les légendes celtes et les évasions maritimes, cet écrivain né sur les rivages des Terre-neuvas paimpolais vit pour l’imaginaire qu’il couche sur le papier lorsqu’il ne travaille pas au centre de sauvetage en mer breton.
Sa plume trahit une influence cinématographique forte même si le cycle arthurien l’a marqué de son empreinte. Bien qu’il aime brosser des romans graphiques hauts en couleur dans ses écrits fantastiques, Jules Verne restera toujours, par ses personnages charismatiques et sa prose exceptionnelle, son guide spirituel.