Interview de Gérard Coquet
Quel est le premier livre que vous vous souvenez avoir lu ?
Pour tout dire, je ne m’en souviens pas… Sans doute une BD de Tintin. Jeune, j’étais d’ailleurs plus BD que livres. Ce n’est que plus tard, lorsque j’ai mis le nez dans un San Antonio, que j’ai découvert qu’il était possible de se marrer en lisant quelque chose.
Vous avez commencé votre carrière artistique en tant que parolier d’un groupe folk. Comment décide-t-on de passer des chansons au roman ?
Une chanson représente beaucoup d’efforts, il faut y coller le maximum d’intensité en un minimum de couplets, le rythme musical contraint le texte et le français est plus compliqué à mettre en musique. Cerise sur le gâteau, quand le parolier présente son texte à celui qui sera chargé de l’interpréter, la sanction est immédiate. C’est bon ou c’est mauvais. Peu importe si on y a mis tout son ventre… Le problème est là : écrire un texte de chanson est frustrant… On a envie d’écrire long et l’idée du roman s’impose assez vite. Après, c’est une autre histoire.
Pensez-vous qu’il faille être un grand lecteur pour être un bon auteur ?
Je ne pense pas qu’un grand lecteur devienne automatiquement un grand auteur. Par contre, quelqu’un qui ne lit pas éprouvera de grandes difficultés à pondre quelque chose. On a tous des idées, des fulgurances, des sujets en tête. Certains livres inspirent mais d’ici à franchir le pas de l’écriture, il y a un monde.
En fait, pour celui qui rêve de devenir auteur, le cap le plus difficile est d’oser la première page tout en sachant qu’il en reste encore 3 ou 400 derrière.
Quelle est pour vous l’importance du style et des dialogues dans un roman ?
Le style évolue, se corrige au fur et à mesure. On sent à partir d’un certain temps si on est ou pas en accord avec ce que l’on souhaite écrire. Les mots doivent résonner et déjà, donner du plaisir à celui qui les écrit sinon, c’est mal parti.
Les dialogues sont importants même si certains auteurs ne les utilisent que de manière parcimonieuse. Encore une fois, il n’existe pas de règles. Les dialogues doivent caractériser d’avantage le personnage et surtout pousser l’histoire dans le bon sens, sinon ils ne servent à rien.
Les lieux sont importants dans vos romans. L’Irlande pour L’Alphabet d’Esdras et le lyonnais pour vos deux Malfront. Sont-ce eux qui définissent l’histoire ?
Le(s) décor(s) est (sont) un des éléments de l’histoire, au même titre que les dialogues, les scènes. Pour moi, et sans prétendre avoir la science infuse, les personnages sont les éléments essentiels. Je passe un temps certain à les définir, décrire leurs besoins fondamentaux, leurs caractéristiques physiques, personnelles, émotionnelles, familiales, les histoires transversales dans lesquelles ils s’engluent.
À quel moment savez-vous que l’histoire que vous racontez est une bonne histoire ?
Ça se ressent physiquement, par une boule de satisfaction au niveau du plexus et un besoin impérieux de grimper contre les murs en reculant.
Quand les personnages sont là, quand les liens sont réussis, quand les dominos tombent les uns après les autres, c’est ce qui arrive : on trépigne.
La vie d’auteur est une drôle de vie. Avez-vous une anecdote amusante à nous raconter ?
Merci de ne pas m’en vouloir, si je pose un joker sur cette question. Y répondre reviendrait à donner de l’importance à des personnes qui ne le méritent pas. Pour la jouer simple, disons que l’insupportable dans la passion d’écrire est de croiser l’arrogance véhiculée par des narcisses qui ont oublié de rester humbles devant la qualité de leur prose. On ne peut pas plaire à tout le monde.
Un livre est une rencontre et, si elle n’a pas lieu, ce n’est pas la faute du lecteur.
Quelle est l’influence du tablier de sapeur dans la littérature ?
La tête de veau est à la mangeaison ce que la sardine est à l’huile, la frite au burger. Je ne connais pas son influence réelle sur la littérature par contre, ce qui est évident, c’est qu’une mauvaise tête de veau est plus facile à vomir qu’un mauvais bouquin.
Votre dernier roman, Malfront, les mémoires de Mathilde, est sorti l’an dernier. C’est quoi la suite ?
Pour l’instant, la suite de Mathilde n’existe pas… J’ai envie de m’éloigner de Malfront, les personnages m’ont bouffé la tête pendant trop longtemps. Je retournerai sans doute un jour dans la Combe mais, pour l’instant, j’ai besoin de me laver l’esprit.
Par hasard, j’ai rouvert mon tout premier livre sur l’Irlande, pensant accélérer le sevrage, le corriger un peu, l’améliorer si possible. En le relisant, j’ai compris pourquoi je n’en avais vendu que trente exemplaires : c’est mauvais à pleurer. Cette constatation a provoqué chez moi un burn out de quelques secondes et l’envie de tout recommencer.
Je me suis autorisé le droit de manger une tête de veau pour ne pas pleurer.
La décision a été vite prise : j’aime trop le Connemara pour le laisser dans un tel état ! De rage, je suis retourné là-bas pour m’excuser… Le nouveau livre est terminé… Il s’appelle…
Quel est le dernier livre que vous ayez lu ?
Toutes les vagues de l’océan de Victor Del Arbol. Une très grosse baffe ! Génial !!
Mon coup de cœur 2015, 2016 et 2017.
Gérard Coquet
Après une enfance passée à casser quelques vitres, les parents de Gérard Coquet lui font découvrir un pensionnat merveilleux : les Lazaristes, dans lequel il apprend à réfléchir sur le thème de « aide-toi, le ciel t’aidera ».
En dépit de succès plus souvent féminins que scolaires, Gérard Coquet devient expert-comptable stagiaire, puis reprend les rênes de l’entreprise familiale.
Soucieux d’enrichir son karma, il anime un groupe de folk. Chantant comme une gamelle, il est affecté à l’écriture des textes des chansons… Le besoin d’écrire vient de là.