Interview de Michael Uras
Quelle est votre madeleine de Proust littéraire ?
Sans aucun doute les poèmes de Jules Supervielle et, en particulier, son recueil Gravitations qui me replonge dans mes années d’étudiant. L’histoire d’un homme qui fait le grand écart entre l’Europe et l’Amérique du sud. Il y a là toute la douceur du monde et tout le désespoir de l’existence.
Lorsque le noyé se réveille au fond des mers et que son coeur
Se met à battre comme le feuillage du tremble
Il voit approcher de lui un cavalier qui marche l’amble,
Et qui respire à l’aise et lui fait signe de ne pas avoir peur
Supervielle, Le Survivant.
Dans quelles circonstances avez-vous écrit votre premier roman ?
J’ai toujours voulu écrire. Il me manquait simplement une histoire à raconter. Un matin, je me suis dit : Proust est vraiment un auteur plombant, il faudrait le montrer sous un autre jour, plus favorable, plus agréable. Chercher Proust était né.
Pourquoi écrivez-vous ?
Pour laisser un peu de moi à mes enfants.
Pensez-vous qu’il faille être un grand lecteur pour être un bon auteur ?
En France, les auteurs sont souvent de grands lecteurs (contrairement aux écrivains américains par exemple). Je ne déroge pas à cette règle. Mais cela ne garantit pas l’écriture de textes intéressants.
Vous êtes professeur de lettres. Comment donner envie aux jeunes générations de lire Proust ?
En lisant Chercher Proust !
D’où vient l’inspiration si elle ne s’achète pas au Mac Drive ?
Je n’en ai aucune idée. Et si je le savais, je me garderais bien de le dire à qui que ce soit. Je garderais le secret. En tous les cas, vous avez raison, elle ne s’achète pas au Mac Drive, malheureusement. Dans le cas contraire, il y aurait une file d’auteurs ininterrompue devant les fast food.
La vie d’auteur est une drôle de vie. Avez-vous une anecdote amusante à nous raconter ?
Drôle de vie, oui. Une vie drôle, non !
Un jour, un homme d’une cinquantaine d’années m’a assuré avoir bien connu Marcel Proust.
Je n’ai pas voulu le contrarier.
Votre dernier roman paru en 2014, Nos souvenirs flottent dans une mare poisseuse, est une autofiction. Pourquoi ce choix ?
Le terme autofiction devrait être appliqué à toutes les créations littéraires. Il y a de la fiction, mais également des éléments autobiographiques dans chaque texte. Il est impossible de se couper de sa vie, de son corps. Tout est question de dosage. Nos souvenirs flottent dans une mare poisseuse est un roman sur la double culture, sur le fait de n’être chez soi nulle part. C’est un peu mon cas, parfois. J’ai donc parlé d’autofiction.
Avez-vous déjà en tête le thème de votre prochain roman ?
Je suis en train de l’achever. Il sortira en 2016, au printemps, chez Préludes. Donc, oui, je connais le thème mais, puisque vous ne me le demandez pas, je ne vous le dirai pas… Il y sera question de littérature, comme toujours. Dans le quatrième également.
Quel est le dernier livre digne de Proust que vous ayez lu ?
La conscience de Zeno, d’Italo Svevo. Et beaucoup d’autres. Mais rien ne vaut Proust finalement.
Michaël Uras
Né en d’un père d’origine sarde et d’une mère française, Michaël Uras a grandi dans un milieu ouvrier où la littérature n’occupe pas beaucoup de place. Sa passion précoce pour la lecture, et en particulier pour l’œuvre de Marcel Proust, le pousse vers des études littéraires. Il étudie les lettres à la Sorbonne.
Son premier roman, Chercher Proust, a été l’un des surprises de l’été 2014. Son deuxième, Nos souvenirs flottent dans une mare poisseuse, sortira au Livre de Poche en octobre 2015.
Michael Uras a participé au recueil collectif Nous sommes Charlie (Livre de poche).
Michael Uras écrit actuellement son troisième roman qui paraitra dans la nouvelle collection Préludes (Livre de poche).