Interview de Pascale Pujol
Quel est le premier livre qui vous a régalée ?
Je ne m’en souviens plus, cela remonte trop loin… Probablement un livre de la bibliothèque rose ou verte… Et puis cette belle collection de mon enfance chez Gallimard, 1000 Soleils ! Quelques souvenirs marquants tout de même : Les Robots, d’Isaac Asimov, et les Rubrique-à-brac de Gotlib, découverts quand j’avais une dizaine d’années. Je suis devenue passionnée de BD (et je le suis toujours), et j’ai dévoré tout Asimov pendant mon adolescence. À l’époque, cette découverte m’a amenée à d’autres auteurs de SF, même si aujourd’hui je n’en lis plus vraiment.
Pensez-vous qu’il faille être un grand dévoreur de livres pour être un bon cuisinier des mots ?
Il me semble que c’est important, et plutôt un bon début… Dans mon cas, la lecture est une passion qui nourrit mon travail d’auteur. Je lis beaucoup, même en période intense d’écriture, parce que le plaisir de lectrice est resté intact et que j’adore découvrir d’autres univers, notamment la littérature étrangère, mais aussi le romans noir et certains thrillers ou policiers. Après, chaque auteur est différent, difficile de généraliser.
Pourriez-vous nous dévoiler votre cuisine interne d’auteur ?
Je n’ai pas de rites particuliers, pas encore en tout cas, car mon expérience d’écriture est toute neuve. Juste quelques idées qui me guident : au démarrage, s’abstraire du regard des proches (famille, collègues, amis…) ; écrire quand on en a envie, mais écrire aussi quand on en a moins envie, surtout dans un projet long comme un roman, même si c’est juste quelques lignes tous les jours. Beaucoup relire, de préférence sur papier, et travailler les corrections au fur et à mesure. Je ne prépare pas de fiches, ni de script : je suis mes personnages au fil des intrigues, je me laisse mener. Et je m’interdis d’écrire sans suivre la chronologie du livre : pas le chapitre 6, même s’il me fait plus envie, tant que le 5 n’est pas bouclé.
Vous avez commencé par écrire des nouvelles. Étaient-ce des amuse-gueules avant le roman ?
Oui et non. Bien sûr, écrire court permet de se roder. Mais le roman n’est pas une longue nouvelle, il obéit à d’autres règles : multiplicité d’intrigues et de personnages, besoin de plus de souffle. Dans mon cas les registres sont aussi très différents : un univers intimiste, un peu mélancolique, pour les nouvelles, et une vraie comédie avec le roman, avec un grand nombre de personnages. Les deux livres me semblent donc complémentaires. D’ailleurs, je continue à écrire des nouvelles, de temps en temps.
Petits plats de résistance est sorti le 19 août. Comment c’était d’attendre la sortie de son premier roman ?
Pendant de longs mois on a du mal à y croire, c’est théorique tant qu’on n’a pas vu les corrections sur épreuves, et puis le livre est imprimé et il devient un vrai objet. Mais c’est encore bien avant son arrivée en librairie et il faut rester patient. Quand on a la chance d’être publié par un éditeur sérieux et connu, on observe la machine éditoriale se mettre en route avant la sortie du bouquin : la couverture (dans mon cas, le travail d’un artiste, Yann Kebbi, qui a su interpréter et retranscrire de manière très personnelle l’histoire), les envois de services de presse à la presse et aux libraires, les premières réactions de libraires, un petit buzz qui enfle. On commence à être dépossédé de son livre dès les premières critiques ou avant-critiques, à le voir à travers d’autres yeux. Et puis le jour J, il ne vous appartient plus du tout.
Quels en sont les ingrédients ?
De la bonne humeur, de l’humour, des surprises, des retournements de situation, des personnages que j’espère attachants… Et puis Montmartre ! Il s’y passe beaucoup de choses, difficile de le résumer, mais le tout n’a aucune prétention, à part faire sourire ou rire.
Quelle est, selon vous, la recette d’un bon roman ?
Ce sera une réponse de lectrice, forcément ! J’aime que l’on me raconte une histoire. C’est pour ça que j’apprécie les auteurs latino-américains, comme par exemple Jorge Amado. Des univers luxuriants, vivants, truculents, des personnages vivants, incarnés… Je suis sensible aux écritures ciselées, au vocabulaire. Mais j’adore aussi les ambiances intimistes. En fait, je suis plutôt bon public !
Selon vous, comment donne-t-on l’appétit pour un livre au lecteur ?
L’appétit de la lecture en général, c’est avoir vu lire chez soi, avoir la curiosité de fouiner en bibliothèque, et c’est aussi l’école si l’on a eu la chance de rencontrer des enseignants passionnés… L’appétit d’un livre en particulier, si on ne connait pas du tout l’auteur, c’est d’abord le titre, la couverture et puis souvent cette fameuse 4ème de couverture : trop bavarde, elle peut fatiguer, trop laconique, laisser sur sa faim… Et bien sûr, le conseil du libraire est très important. C’est lui qui « porte » le livre après l’éditeur, le soutient, le met en scène, le chouchoute. Les critiques dans la presse peuvent aussi jouer : pour ma part, j’en lis pas mal et je m’y réfère souvent. C’est ainsi que j’ai découvert nombre d’auteurs étrangers notamment.
Avez-vous déjà en tête le thème de votre prochain roman ? Si oui, pouvez-vous nous en donner un avant-goût ?
C’est un hybride entre thriller et roman noir, qui parle (entre autres) de jeux vidéo, d’arts martiaux et de transactions boursières… à nouveau de nombreux personnages et rebondissements. Le premier jet est terminé mais il reste encore beaucoup de travail avant qu’il trouve, peut-être, grâce aux yeux de mon éditeur et donc le chemin des librairies. On verra bien ! Et puis, je réfléchis tranquillement à poursuivre l’aventure avec mes personnages de Petits plats de résistance.
Quel est le dernier livre que vous ayez dégusté ?
Dérive sanglante et Casco Bay de William G. Tapply, parus il y a quelques années chez Gallmeister, un éditeur que j’adore et où je pioche de nombreux ouvrages. Des romans noirs qui se déroulent dans le Maine. Et j’attends la rentrée littéraire pour piocher de belles choses chez mes petits camarades…
Pascale Pujol
Longtemps journaliste, désormais consultante en analyse financière depuis une douzaine d’années. Stop. Habite en région parisienne. Stop. Un recueil de nouvelles paru chez Quadrature en avril 2014, Fragments d’un texto amoureux. Stop. Premier roman au Dilettante en août 2015, Petits plats de résistance. Stop.
Charmante, cette jeune auteur, truculente, simple et sympathique, je vais encore palifier ! merci