Interview de Sylvain Johnson
Quel est le premier livre que vous vous souvenez avoir lu ?
C’est un très lointain et flou souvenir. Je devais avoir moins de dix ans, quelque part au début des années quatre-vingt. Il s’agissait d’un petit roman avec très peu d’images. Je crois que le titre était Le trésor du Lapon. Il y avait un avion sur la couverture et le récit se déroulait durant l’hiver en Laponie. Je n’ai jamais pu retrouver ce bouquin emprunté à une bibliothèque de Laval, malgré mes recherches sur l’Internet.
Dans quelles circonstances avez-vous écrit votre première histoire ?
Ma première histoire fut, comme beaucoup d’écrivains sexuellement frustrés de ma génération, écrite dans le cadre du jeu de rôle Donjons et Dragons. Ce jeu m’a fait découvrir une passion pour l’écriture, pour raconter et faire vivre des aventures à un auditoire attentif. Partager mes histoires et engendrer des réactions devenaient une véritable drogue.
Pensez-vous qu’il faille être un grand lecteur pour être un bon auteur ?
Oui. Je crois qu’il faut lire tous les jours, non seulement pour améliorer sa grammaire, mais son style et aussi alimenter ce brasier créatif en chacun de nous. Voici ce qu’en dit Stephen King dans son Mémoire d’un écrivain publié en 2003 :
« Si vous voulez devenir écrivain, il y a avant tout deux choses que vous devez impérativement faire : lire beaucoup et beaucoup écrire. Il n’existe aucun moyen de ne pas en passer par là, aucun raccourci. »
Vous êtes un auteur québécois. Existe-t-il un style québécois ?
Très bonne question. Je crois que oui, même si c’est difficile à expliquer. Pour vous donner un exemple, lorsque je soumets un manuscrit à mon éditeur français ou des nouvelles littéraires destinées à la France, plusieurs tournures de phrases seront changées. Des mots qui n’existent qu’au Québec seront substitués avec d’autres facilitant la compréhension du lecteur d’outremer.
Comment expliquez-vous que les auteurs québécois soient si peu distribués en France ?
Malheureusement, je crois qu’il y a deux raisons à cette situation quelque peu troublante. La première est le style littéraire déroutant pour ceux qui ne connaissent pas la littérature québécoise.
L’emploi du dialecte de tous les jours que certains auteurs insistent pour insérer dans leurs dialogues et ainsi rendre difficile la compréhension d’une simple discussion.
Ensuite, il y a l’organisation politique des maisons d’édition. Elles reçoivent des tonnes de manuscrits, au point de se demander s’il n’y a pas davantage d’écrivains que de lecteurs. Un éditeur devra faire des choix, publier des auteurs qu’il connaît, des amis écrivains, des contacts pouvant apporter une plus grande visibilité à son entreprise. Un des problèmes que j’ai récemment eus avec les éditeurs français et québécois venait de mon exil aux États-Unis. Certains de mes textes furent refusés parce que je ne vivais pas au Québec ou en France.
Les personnes de votre entourage se retrouvent-elles systématiquement dans vos romans ?
Je considère les écrivains comme des tueurs en séries sans couilles. En fantasmant sur la mort d’un ennemi, l’écrivain trouve refuge dans son cerveau dément pour y fomenter des crimes horribles, sans avoir le courage de les mettre à exécution. L’écrivain désire sa voisine, la fille d’un copain, rêve de marteler un crâne avec une masse ou encore de faire une tournée des bars durant deux mois en toute liberté. Mais incapable d’agir, l’écrivain met sur papier ses fantasmes les plus fous, les plus déments, les plus coupables. Pour répondre à votre question, oui, la plupart des gens de mon entourage se retrouvent dans mes romans. Mes personnages sont des amalgames d’individus rencontrés, connus, désirés. Ces personnages deviennent mes esclaves et je peux leur faire subir les pires atrocités, sans me faire arrêter, condamner, juger ou encore pointer du doigt. Mon esprit est rempli de lampes confectionnées avec la peau de mes victimes imaginaires.
Connaissez-vous le genre de vos romans avant d’entamer leur écriture ?
Pas toujours. Souvent, lorsque j’entame l’écriture d’un roman, j’ai en tête une idée précise du genre littéraire. Mais les actions, les personnages ou les intrigues viendront souvent contrecarrer mes plans. Une chose est certaine, je n’aime pas écrire de roman basé sur la réalité ou des biographies. La banalité se vit, l’écrire finirait par me tuer.
Qui sont les Fossoyeurs de Rêves ?
Les Fossoyeurs de Rêves ce sont sept écrivains réunis dans un collectif Franco-Québécois. Gaëlle Dupille, Romain Billot, John Steelwood, Guillaume Guike Lemaitre, Pierre Brulhet, moi-même et finalement Sabine Chantraine Cachart. Je représente la branche québécoise du collectif. Notre but ? Écrire et faire découvrir les beaux genres de l’imaginaire qui nous fascinent. Un groupe d’amis partageant les mêmes intérêts et la même passion pour l’écriture. Ce sont mes frères et sœurs dans l’âme et des copains qui me soutiennent. Sans parler de leur grand talent d’écrivains.
Quelle est votre actualité littéraire ?
Pour l’instant, je suis un peu comme l’agriculteur. J’ai semé maints manuscrits, je patiente donc pour les récoltes auprès des éditeurs. L’éditeur Lune-Écarlate a sorti en juin la première anthologie des Fossoyeurs de Rêves, avec entre autres deux de mes textes. Elle est publiée en papier et numérique. Mon éditeur français L’ivre-Book sortira bientôt la réédition de mon deuxième roman L’Esprit des Glaces en version numérique. Deux autres manuscrits verront aussi le jour chez le même éditeur dans les années à venir.
Quel est le dernier livre que vous ayez lu ?
Je viens tout juste de terminer le quatrième bouquin de la série Malhorne de Jérôme Camut, intitulé La Matière des Songes. Une série que j’ai beaucoup aimée et un écrivain que je respecte énormément. Une lecture que je recommande.
Sylvain Johnson
Sylvain Johnson est né à Montréal en 1973. Il a grandi dans la métropole québécoise, puis à Laval et ensuite dans la campagne mauricienne. Il passera son adolescence à Sainte-Thècle et fera son école secondaire dans la ville western de St-Tite. Après le secondaire, Sylvain se rend au Cégep (Collège) de Shawinigan pour y étudier la littérature et les arts. Il fera ensuite un très court séjour à l’Université de Trois-Rivières avant de tout quitter pour un voyage dans l’Ouest canadien.
Il se retrouvera ensuite à Montréal où il travaillera dans des clubs vidéos, pour des agences de placement de personnel où il effectuera des emplois très variés et ensuite les salles de courriers. Il passera plusieurs années dans des postes reliés au service à la clientèle et aux entreprises.
En 2010, son premier roman Le Tueur des Rails voit le jour grâce aux Éditions Popfiction de Montréal, qui malheureusement fermeront leurs portes quelques mois plus tard. Plusieurs de ses nouvelles seront ensuite publiées dans des revues et magazines, ainsi qu’une dans une anthologie franco-américaine d’un ami écrivain du Maine. En 2012, Le Tueur des Rails reçoit une nouvelle chance et se retrouve sur les tablettes à nouveau, cette fois à la suite d’une décision des Éditions Porte-Bonheur de le publier, avec le tout nouvel Esprit des Glaces. Sylvain connaîtra en novembre 2012 sa première expérience dans les salons du livre.
En 2013, Sylvain s’installe au Maine pour y découvrir la culture américaine. C’est d’ailleurs là qu’il rencontrera sa future épouse.
Depuis 2014, Sylvain vit exilé en Caroline du Nord avec sa femme où il continue à écrire et à publier des nouvelles. Il travaille sur plusieurs projets à la fois. Il est membre du collectif d’écrivains Les fossoyeurs de rêves dont il est le membre québécois. Quelques-uns de ses romans seront publiés chez L’Ivre-Book en version numérique en 2014/15.
Pour en savoir plus sur Sylvain Johnson : sylvainjohnson.wordpress.com
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