Interview de Célia Flaux
– Voilà pourquoi j’aime les araignées. Si l’on ne réussit pas la première fois, il faut réessayer encore et encore. Je n’arrête pas d’essayer, dit-il avec une tristesse poignante.
Quel est le premier livre que vous vous souvenez avoir lu ?
C’était Les aventures de Jojo Lapin, d’Enid Blyton. Je ne me lassais pas des tours pendables qu’il jouait aux autres animaux.
Comment l’écriture est-elle entrée dans votre vie ?
J’ai toujours beaucoup lu et l’écriture s’est installée naturellement. Lorsque j’étais adolescente, je cherchais le roman parfait pour moi, mais aucune histoire n’y correspondait complètement. J’ai donc décidé de l’écrire moi-même. Ce travail est encore en cours et ne prendra sans doute jamais fin.
Rêveuse et étourdie, ce sont des qualités pour écrire des histoires ?
La rêverie m’aide beaucoup. Je plonge dans ma bulle et tout s’efface, rien ne m’en sort, je ne vois plus, je n’entends plus. Mes histoires se bâtissent dans le bus, les files d’attente, ou en faisant ménage. Ces absences agacent parfois mes proches, mais elles me sont très utiles pour écrire.
Évidemment, mon étourderie en découle. J’oublie de descendre à l’arrêt, je ne sais plus ce qu’il fallait demander et j’égare mes affaires. J’essaie de mettre en place des stratégies pour vivre avec, sans renoncer à la rêverie pour autant.
Comment vous viennent vos idées de romans ?
C’est un déclic très rapide. L’instant d’avant, le roman n’existait pas, l’instant d’après, il est présent dans mon esprit. Souvent, ce sont plusieurs engrenages qui ne tournent pas isolément, mais qui forment le cœur d’une histoire quand je les associe. Stephen King en parle très bien dans Écriture : mémoire d’un métier : « Les idées des bonnes histoires paraissent littéralement jaillir de nulle part, vous tomber dessus du haut d’un ciel vide : deux idées jusqu’ici sans rapport sont mises en contact et produisent quelque chose de nouveau sous le soleil. Votre boulot n’est pas de trouver ces idées, mais de les identifier lorsqu’elles font leur apparition. »
Pourquoi avoir choisi la science-fiction et la fantasy ?
Ce n’est pas un choix conscient, mais mon imagination aime déguiser la réalité pour mieux la comprendre. C’est un peu comme une loupe, ou un miroir déformant. L’exagération, la transformation, la transposition dans un autre univers, me donnent plus de liberté pour aborder des sujets bien réels.
Construire un univers différent du nôtre me permet aussi d’évoquer des ambiances différentes de mon quotidien et je dois prendre garde à la cohérence des différents éléments qui le composent (la vie quotidienne, la géographie, la magie, les croyances…).
Quels sont les effets de la lecture chez un auteur ?
Je ne saurai pas répondre pour tout le monde, mais chez moi c’est un investissement de long terme. Mes lectures nourrissent mon inconscient, qui prend le temps de les intégrer à mon univers personnel, pour mieux s’en inspirer des années plus tard. Cela peut être une ambiance, un style, des personnages… mon imagination se nourrit de tout.
La vie d’auteur est une drôle de vie. Avez-vous une anecdote amusante à nous raconter ?
Lors du salon de la littérature jeunesse, à Montreuil, je rodais près du stand Scrineo quand mon éditeur me dit :
— Voici l’imprimeur en charge de ton livre.
Je répondis sous le coup de l’émotion :
— Imprimez-le avec amour !
Mon interlocuteur me promet le plus grand soin et mon éditeur continue :
— C’est très intéressant, de visiter une imprimerie, tu devrais le faire.
— Mais je n’habite pas Paris…
— Nos locaux ne se trouvent pas à Paris, renchérit l’imprimeur, mais près de Poitiers…
Moi, stupéfaite :
— Mais j’habite Poitiers !!!
Grâce à ce heureux hasard, j’ai pu visiter l’imprimerie Aubin, une expérience tout à fait passionnante.
De quoi est-il question dans votre dernier roman, Le Cirque Interdit ?
Je vais tenter de répondre sans spoiler, ni recopier la quatrième de couverture, ce qui représente un sacré challenge.
Le Cirque interdit, c’est l’histoire de Maria, une jeune femme qui infiltre le dernier cirque de France pour transmettre des informations au Parti Zéro Risque, et pour mener sa propre enquête personnelle.
Dans ce roman, je voulais évoquer l’équilibre entre sécurité et liberté, avec l’opposition entre le Parti Zéro Risque, qui impose la première valeur, et le cirque interdit qui défend la seconde.
Je voulais aussi montrer que ceux qui se dissimulent derrière des costumes et du maquillage ne mentent pas toujours, tandis que ceux qui se présentent à visage découvert ne disent pas toujours la vérité. Il y a tout un jeu entre l’ombre et la lumière, la scène et les coulisses.
Mon héroïne devra remettre en cause toutes ses certitudes, politiques et personnelles, en franchissant le seuil du Cirque Interdit. Et vous, prendrez-vous ce risque ?
Avez-vous en tête le sujet de votre prochaine histoire ?
Oui, le manuscrit est même écrit. Il s’agit d’un projet de fantasy qui se déroule dans un univers proche du Japon médiéval, de Porcelaine d’Estelle Faye, ou du Clan des Otori de Lian Hearn. C’est l’histoire d’une jeune femme qui lutte pour sa liberté, dans un contexte politique plein de danger.
Quel est le dernier livre que vous ayez lu ?
Cœur Vintage, de Cécile Guillot, un roman qui traite du destin croisé de deux jeunes femmes, qui vivent l’une en 2016 et l’autre en 1956, à travers une robe vintage. Cette histoire évoque tout en délicatesse l’adolescence, ses questionnements, et ces choix qui peuvent faire basculer toute une vie.
Célia Flaux
Rêveuse et étourdie, Célia Flaux vit parfois à Poitiers, parfois dans les nuages. Au gré de son inspiration, elle écrit des contes d’hier, des nouvelles d’aujourd’hui, des romans de science-fiction et de fantasy. Elle travaille ses textes avec le soutien de Cocyclics, un collectif d’auteurs de l’imaginaire qui pratiquent l’échange et l’entraide pour améliorer leurs textes. Elle a publié Iceltane aux éditions Voyel en 2015 et Le Cirque Interdit chez Scrinéo en février 2019. Entre deux histoires, elle assouvit sa passion pour le beau papier en pliant des origamis.