Interview d’Emmanuelle Allibert
Quel est le premier livre que vous avez défendu en tant qu’attachée de presse ?
J’ai défendu deux livres conjointement Fais danser la poussière de Marie Dô et La pigmentation du caméléon de Thomas Bouvatier, deux premiers romans, tous les deux parus chez Plon.
J’ai gardé de très bons rapports avec ces deux auteurs dont l’un est même devenu un ami proche.
Pensez-vous qu’il faille être un grand lecteur pour être un bon auteur ?
Oui indéniablement. Je pense que l’écriture est un perpétuel recommencement, que tout a déjà été écrit mais qu’il est bon de lire beaucoup afin de s’assurer un terreau stylistique.
C’est comme pour la pratique d’un instrument. Il faut beaucoup d’écoute et de travail. La grâce fait le reste. Elle ne touche malheureusement pas tous les prétendants !
Vous avez été chroniqueuse dans l’émission de Michel Field « Au Field de la nuit ». Était-ce le prolongement logique de votre métier ?
Les chroniques ne sont pas le prolongement de mon métier. C’est plutôt une ligne parallèle même si je me sers de mon métier comme sujet des chroniques.
Le livre a été réalisé dans le même esprit. Je suis et je reste attachée de presse car c’est un métier que j’aime exercer.
Votre premier ouvrage sorti en début d’année, Hommage de l’auteur absent de Paris, est-il un livre d’auteur ou d’attachée de presse ?
Ce livre n’est pas un livre d’attachée de presse car je me suis mise dans la peau d’un Auteur. Je ne voulais pas tant parler de mon métier au quotidien que d’expérimenter ce qu’était un Auteur, par quoi il devait passer et les difficultés et bonheurs qu’il pouvait rencontrer en publiant un livre.
Hommage de l’Auteur absent de Paris est tout d’abord une caricature d’un milieu particulier. Un cercle qui contient très peu de monde même s’il y a énormément de candidats qui souhaitent l’intégrer. Un endroit qui génère les fantasmes les plus grands et les désillusions qui vont avec. Un endroit snob, élitiste, prétendument en voie de disparition depuis sa création mais qui continue toujours de vivre. Un univers que j’adore et tellement drôle.
L’Auteur (avec un grand « A ») que vous présentez dans votre livre est à la fois intelligent et naïf. N’est-ce pas contradictoire ?
L’Auteur est par essence contradictoire. Il est lucide et intelligent pour les autres et naïf pour lui-même.
Lui n’est pas comme les autres. Son livre est au-dessus des autres donc il ne comprend pas pourquoi le succès qu’il mérite n’est pas au rendez-vous.
Comment réagit l’Auteur à une demande d’interview d’un modeste site internet ?
De deux façons : Il est flatté car une demande d’interview c’est toujours bon pour l’ego et dès que la publication sera en ligne, Il la tweetera, facebookera, photocopiera pour sa grand-mère et demandera à son libraire de l’afficher en devanture. À son attachée de presse, Il dira que Internet c’est bien mais Lui ce qu’Il veut c’est une télé et la Une du Monde des Livres parce que le net ne fait pas vendre.
Quel est l’avis de l’Auteur sur la montée lente de l’édition numérique ?
À l’extérieur Il est soucieux car tout de même il faut sauvegarder la librairie face au géant de la dématérialisation. En réalité, Il négocie ses droits férocement car Il a bien flairé le filon potentiel.
Vous faites désormais partie de la caste des auteurs. Ça fait mal ?
Ahahahaha non je ne fais pas partie de la caste des auteurs. Pour y entrer il faut publier un roman c’est le seul sésame. Et je suis beaucoup trop fumiste pour faire cela !
Avez-vous déjà en tête le thème de votre prochain livre ? Si oui, pouvez-vous nous en parler ?
J’aimerais écrire une théorie amoureuse. Je trouve qu’il y a deux matières essentielles qui sont fondamentales et pourtant qu’on ne vous enseigne pas : les relations amoureuses et l’éducation des enfants. J’ai plus d’expérience dans le premier domaine.
Quel est le dernier livre que vous ayez lu ?
Nous préparons la rentrée littéraire chez Lattès. Le dernier livre que j’ai lu est Crans Montana de Monica Sabolo à paraître le 26 août.
Avant cela, pour mon plaisir Destruction d’un cœur de Zweig.
Emmanuelle Allibert
Emmanuelle Allibert est attachée de presse aux éditions JC Lattès. Hommage de l’Auteur absent de Paris est son premier livre.
À partir de son expérience du monde de l’édition, et des chroniques qu’elle avait initiées dans le cadre de l’émission Au Field de la nuit, Emmanuelle Allibert croque, avec une drôlerie irrésistible, la figure incontournable, et pourtant insupportable, de l’Auteur.
De son regard aussi juste qu’impitoyable, mais toujours affectueux – l’Auteur étant pour les professionnels de l’édition l’équivalent du petit dernier dans une famille –, Emmanuelle Allibert décrit l’Auteur et ses petits travers, dans toutes les situations de son quotidien. L’Auteur envoie son manucrit, participe à un salon, passe à la radio, reçoit un prix, appelle pour la huitième fois son attachée de presse…
En dévoilant l’envers du décor de ce milieu littéraire, passionnant et secret, aussi prestigieux que dérisoire, Hommage de l’Auteur absent de Paris nous rend plus proche cet individu convaincu de son génie, mais perpétuellement inquiet devant le succès et la reconnaissance qui tardent à venir.
Personne n’est épargné : l’Éditeur (qui est comme la deuxième moitié d’un grand duo de comiques), l’Attachée de presse, le Directeur commercial, le Critique littéraire…
En révélant ce qu’il y a de cocasse dans la magnificence, emprunte d’un certain ridicule, de l’Auteur,
Emmanuelle Allibert ne s’épargne pas non plus, puisqu’elle-même devient auteur ; et il n’est pas question de règlement de comptes. Elle aime son Auteur, c’est pourquoi elle parvient à le mettre en scène avec tendresse et ironie.